Depuis l’été dernier, 50 pharmaciens bretons expérimentent un nouveau dispositif de prise en charge des patients en officine, sans passer par un médecin. Rhinite, douleurs pharyngées, lombalgie, diarrhée, conjonctivite, plaie simple, vulvovaginite, brûlures légères… Dans ces situations bénignes (13 au total, associées à des symptômes courants), les officinaux, spécialement formés, conseillent aux patients un médicament adapté (hors prescription) ou les orientent vers les urgences ou leur médecin traitant si la situation l’exige.
Objectif : offrir une réponse rapide aux malades et soulager les urgences, lorsque c’est possible. L’initiative, mise en place par l’association Pharma Système Qualité avec l’ARS Bretagne, s’inscrit dans le cadre de l’article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale de 2018 dont l’objectif est d’expérimenter de nouvelles organisations pour améliorer l’accès aux soins.
15 euros par prise en charge
Pour Audrey Gautier, pharmacienne à Saint-Domineuc (Ille-et-Vilaine), cette démarche n’est pas fondamentalement nouvelle. « Écouter les patients, les conseiller, c’est déjà ce que nous faisons au quotidien, explique-t-elle. La différence, là, c’est que nous le faisons dans un cadre bien défini en suivant des process. C’est beaucoup plus qualitatif. » La pharmacienne a pris en charge une soixantaine de personnes depuis qu’elle a rejoint l’expérimentation en octobre 2021. « Généralement pour des plaies légères, des petits traumas, détaille la jeune femme. Dans un tiers des cas, j’oriente le patient vers les urgences ou vers son médecin traitant. »
Les officinaux ne sont pas seuls pour évaluer la situation des patients. Ils s’appuient sur des outils développés sur mesure, notamment des arbres décisionnels conçus avec des médecins qui leur permettent d’analyser chaque situation et d’orienter le malade. Pour chaque prise en charge, le pharmacien touche 15 euros. « Il faut constituer un dossier pour chaque patient et le rappeler dans les jours qui suivent pour s’assurer que la situation évolue bien », détaille Audrey Gautier. Un compte rendu est également remis au patient et à son généraliste, qui peut ensuite décider de revoir ce dernier s’il l’estime nécessaire.
« Nous ne posons pas de diagnostic »
Les médecins des environs ne voient pas tous d’un bon œil cette initiative. « Certains ne comprennent pas cette démarche. Ils me disent que j’outrepasse mon métier ! », regrette la pharmacienne, également présidente de la CPTS locale. Pas question de jouer aux médecins, répond-elle. « Nous ne posons jamais de diagnostic, nous orientons les patients sur la base des symptômes », insiste-t-elle. D’autres médecins y sont plus favorables, cette fonction de triage assurée par les officines permettant de réduire la « pression patientèle ».
La pharmacienne a-t-elle peur de passer à côté d’une pathologie plus grave ? « Au contraire, nous évoluons dans un cadre très sécurisé. Le dispositif est très codifié, répond-elle. Il y a eu un énorme travail de fait, notamment sur les arbres décisionnels. » Dans certains cas, un échange avec le médecin traitant du client permet de régler la question très rapidement. « J’ai eu le cas récemment d’une femme qui présentait des plaies mal identifiées. J’ai envoyé une photo à son médecin via la messagerie sécurisée. Il m’a répondu en proposant un rendez-vous dans les 48 heures. »
Enthousiaste, la pharmacienne espère que le dispositif s’étendra bientôt à toute la France et s’élargira à de nouveaux symptômes, « les plaies plus importantes, les petites entorses… ». Elle espère aussi à terme pouvoir valider la prescription des antibiotiques, par exemple suite à un Trod angine positif.
Les patients pris en charge dans le cadre de ce dispositif sont, eux, déjà convaincus. Selon une enquête menée par l’ARS Bretagne, 99 % d’entre eux se disent satisfaits. Reste à convaincre les médecins de jouer le jeu ?
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