Quotidien des lecteurs

Psychiatrie : la CSMF doit modifier sa stratégie

Publié le 14/10/2010
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RENNES (35)

DR THERESE ALLAINMAT

La CSMF se propose de "revaloriser" le travail du psychiatre en demandant des "contrats de santé publique" rémunérés au forfait. Si cela aboutit, le seul effet sera de revaloriser les psychiatres uniquement prescripteurs, ceux qui gagnent déja le plus en recevant un grand nombre de patients pendant un minimum de temps. En contre partie, ces forfaits risquent de faire disparaitre la psychothérapie médicale du psychiatre qui traite et guérit beaucoup de patients en leur consacrant du temps. Au lieu de mieux rémunérer notre travail la CSMF le fera disparaitre.

Le mal a déja commencé lorsque ce syndicat a obtenu en le réclamant fortement ,le passage par le généraliste, appelé trompeusement "accès direct". A partir de ce moment là nous avons vu décroitre la demande de soins en psychiatrie de façon extrèmement sévère. C’était bien le but recherché par le gouvernement et obtenu par la CSMF (...)

La CSMF est en train de saborder la psychiatrie clinique au profit des traitements médicamenteux en utilisant une langue de bois qu’on voudrait voir disparaitre du discours syndical et politique.

Pendant ce temps des gens souffrent à leur travail, souffrent au point de faire des dépressions graves de type mélancolique avec suicide à la clé. Pour en arriver là il est probable que ces personnes n’ont pas eu accès à des soins psychiatriques ( serait-ce un effet de la perte de l’accès spécifique ? ), ni à de longs arrêts de travail qui auraient pu les protéger ( est-ce à cause de la propagande des caisses contre les arrêts de travail pour problème professionnel ? ).

Pendant ce temps des jeunes "soignent" leur angoisse et leur dépression en s’alcoolisant, mettant en danger leur santé et leur vie et viennent de moins en moins chez le psychiatre - j’ai constaté une réduction de 90 % des consultations des moins de 26 ans - , alors qu’ils étaient demandeurs de soins avant le passage par le généraliste.

Pendant ce temps les psychotiques deviennent SDF ou se retrouvent en prison faute de structures et d’une prévention efficiente. L’ accés rendu plus difficile aux psychiatres étant pour eux aussi un handicap supplémentaire.

Pendant ce temps des médicaments bien plus couteux que les psychothérapies, sont mis sur le marché pour, soit disant répondre à tous les symptomes, les lobbies pharmaceutiques comptant bien sur cette manne pour augmenter les dividendes de leurs actionnaires (...)

Les médecins sont rétribués par la solidarité nationale via la sécu. Au lieu de réduire la solidarité avec les malades, les syndicats doivent demander de nouvelles ressources en taxant les produits financiers.

Les riches aussi tombent malades et se font soigner, ils bénéficient des infrastructures sanitaires (hopitaux ,plateaux techniques.....) et même s’ils peuvent se payer des médecins déconventionnés, ceux-ci ont été formés par l’Etat. Ils utilisent les biens communs, ils doivent donc payer comme chacun de nous, c’est à dire proportionnellement à leurs revenus ( ce qui n’est plus le cas avec le paquet fiscal), tous leurs revenus y compris financiers.

En France chaque médecin devrait soutenir et réclamer le juste financement de la sécu puisque c’est la base même des revenus de notre profession, de la qualité des soins et de la possiblité pour tous, quels que soient ses moyens, d’y accéder.

La médecine française n’est pas une entreprise privée, contrairement à ce que l’on veut nous faire croire; nos honoraires viennent de l’Etat, sont régulés par lui et nous n’avons pas vocation à faire des marges bénéficiaires indécentes sur le dos de "clients" consuméristes.

La CSMF se doit d’ abandonner cette position consistant à blinder les revenus des psychiatres minoritaires les plus nantis au détriment de l’accès aux soins pour les patients et de la psychothérapie pratiquée par la grande majorité d’entre nous.

GRENOBLE (38)

DR FRANÇOIS GUY

Le charme des toilettes vu par Musset

Vous avez présenté le 30 septembre dernier, un dossier très complet sur « les toilettes ». Je me permets de vous rappeler les vers d’Alfred de Musset, que vous connaissez sans doute, sur le même sujet :

Vous qui venez ici dans une humble posture

De vos flancs alourdis décharger le fardeau

Veuillez quand vous aurez soulagé la nature

Et déposé dans l’urne un modeste cadeau

Épancher dans l’amphore un courant d’onde pure

Et sur l’autel fumant placer pour chapiteau

Le couvercle arrondi dont l’auguste jointure

Aux parfums indiscrets doit servir de tombeau.

PARIS

GÉRARD NOET

PHARMACIEN BIOLOGISTE

L’apoptose de la biologie médicale retentira sur la médecine libérale

L’ordonnance du 13 janvier 2010 sur la biologie médicale condamne à court terme les laboratoires d’analyses de proximité et à moyen terme la biologie médicale spécialisée et hospitalière. Cette apoptose entraînera de fait la mort de la médecine libérale.

Cette ordonnance révolutionne l’exercice de la biologie médicale française dont le texte fondateur, la loi de 1975, avait été élaboré à l’initiative d’un biologiste libéral, président de syndicat, Adrien Bedossa. Ce texte arrivait à ses limites pour plusieurs raisons : il ne prenait en compte que la biologie privée et ne s’occupait guère de la biologie publique ; toutes les obligations incombaient aux biologistes du secteur privé, les hospitalo-universitaires hospitaliers avaient peu de contraintes en termes de diplômes et d’exercice ; dans les grandes villes, les laboratoires étaient trop nombreux et leur faible activité ne leur permettait pas d’acquérir les appareils de haute technologie.

De plus, le fameux "trou de la sécu" donnait prétexte aux gouvernants de baisser les nomenclatures au motif spécieux de gains de productivité qu’apportaient les automates d’analyses. La première baisse fut de 17 % en 1989 à l’initiative du ministre de la santé Claude Évin mal conseillé par un chirurgien et par un énarque. Au lieu de baisser les honoraires, il fallait restructurer la profession soit en instaurant un numerus clausus d’installation en fonction des besoins démographiques soit en augmentant la surface légale minimale obligatoire d’un laboratoire et surtout en imposant la présence obligatoire du biologiste au laboratoire pendant les heures d’ouverture au public. Cela ne fut pas ainsi et la profession fit face courageusement, elle alla jusqu’à instaurer le premier contrôle de qualité d’une profession de santé.

Puis, arrivèrent avec le ministre de la santé Xavier Bertrand, pur hasard très certainement, les financiers. Des groupes financiers se mirent à acheter des laboratoires en démembrant les sociétés ce qui était une infraction aux dispositions du Code de la Santé Publique. Les syndicats de biologistes ne virent pas le mauvais coup arriver et leur réaction fut bien trop tardive et surtout non coordonnée. Les financiers avaient fait croire aux politiques et à la tutelle que la profession pouvait s’industrialiser et abaisser les coûts de productivité : le terme efficience était utilisé comme si l’homme et sa santé étaient une marchandise ou un bien de consommation.

Plusieurs rapports furent publiés, le rapport de l’IGAS, le rapport de la cour des comptes et les travaux du Dr Michel Ballereau, coordinateur de la rédaction de l’ordonnance du 13 janvier 2010. Tous ces textes allaient dans le même sens : les biologistes libéraux gagnaient trop d’argent (120 000 à 180 000 euros par an selon les rapports) et il fallait baisser la nomenclature de 100 millions d’euros par an pendant plusieurs années.

Ces quatre baisses de nomenclature (la cinquième arrive) force les biologistes libéraux à vendre leurs laboratoires à des groupes financiers car aucune profession ne peut supporter 25 % de baisse surtout lorsqu’on lui demande de se restructurer et de s’accréditer. L’ordonnance dispose de l’accréditation obligatoire. Une telle procédure coûtera au minimum 170 000,00 euros par laboratoire.

Des arguments spécieux furent utilisés. Les revenus des biologistes sont composés des revenus du travail et des revenus du capital investi dans leur laboratoire. La Cour des Comptes souligne que le risque professionnel des biologistes est minime ce qui est complètement faux : le biologiste médical encourt un risque civil, pénal, fiscal et déontologique comme tout professionnel de santé libéral et ce risque n’est pas négligeable. Pour mémoire, un conseiller de la Cour des Comptes perçoit une rémunération similaire et il faudra m’expliquer quels sont ses risques professionnels si ce n’est la sédentarité de l’exercice d’un honorable conseiller. Il m’apparaît anticonstitutionnel de baisser les rémunérations d’une profession autrement que par l’impôt sur le revenu. Si en France, un travailleur ne peut pas gagner plus d’une certaine somme, il faut que cette somme soit la même pour tous les travailleurs. L’impôt est censé rétablir l’égalité sociale pas les nomenclatures des actes médicaux.

La biologie médicale privée compte pour 2.5 % des dépenses de l’assurance maladie. En diminuant la nomenclature de 25 %, le "trou de l’assurance maladie" sera diminué de 0.625 % ! Cette économie sera d’autant plus virtuelle que la suppression des laboratoires de proximité fera perdre un temps énorme aux travailleurs français et ralentira les temps de diagnostics si le législateur ne met pas l’obligation au biologiste d’être en mesure d’assurer les urgences ce qui est incompatible avec les gains de productivité allégués.

Certes, il fallait restructurer la biologie médicale française mais pas n’importe comment et surtout pas en facilitant l’entrée des marchands du temple dans la profession. C’est grand dommage que sous une présidence de la République libérale, des mesures économiques stalinoïdes soient prises à l’encontre des professions de santé : que cela soit la honteuse rémunération de la consultation à 22 euros ou les baisses drastiques de nomenclature des biologistes ou des radiologues C’est assassiner un secteur économique porteur de bien-être social, de recherche et de développement.

Le processus est engagé, l’Histoire nous dira ce qu’il adviendra de la biologie médicale française.

PRÉCISION

Le Quotidien a publié sans son édition datée du 21 septembre une lettre du Dr Jean Hvostoff sur le problème des arrêts de travail et de leur contrôle par un médecin, à l’initiative des entreprises. Le titre de ce texte « Médecin du travail, un décret dangereux « a suscité de vives réactions semble-t-il, puisque l’auteur de cette lettre a reçu, nous dit-il, de « vives interpellations écrites et téléphoniques ».

En conséquence, le Dr Hvostoff nous demande de préciser qu’il n’est en aucune manière responsable du titre de sa lettre. Ce que nous lui donnons acte et reconnaissons bien volontiers : c’est la rédaction qui, dans la très grande majorité des cas, titre les lettres qui sont publiées dans le Quotidien des lecteurs.


Source : Le Quotidien du Médecin: 8836