L'épidémie de Covid n'a pas eu des conséquences uniquement sur les comptes de l'Assurance-maladie ou l'économie des cabinets mais également sur la sinistralité des praticiens, même si l'effet contentieux est pour le moment très limité. C'est l'enseignement des bilans des risques opératoires publiés par deux assureurs majeurs du secteur : la MACSF-Le Sou médical et le cabinet Branchet, spécialiste des plateaux techniques lourds.
Premier constat : l’épidémie a exacerbé la tendance à la baisse du volume de sinistres, en raison des déprogrammations et de la brutale chute d’activité opératoire. Du côté de la MACSF, les déclarations de sinistres ont diminué de 15 % en 2020 tandis que le taux de sinistralité des seuls médecins – qui mesure la fréquence du nombre de déclarations pour 100 sociétaires – s’est établi à 1,15 %, contre 1,53 % en 2019. Pour Branchet, la baisse de la fréquence des réclamations contre les praticiens de bloc s’est aussi affirmée avec le Covid : -15 % entre 2018 et 2019, puis -10 % entre 2019 et 2020 pour atteindre un indice historiquement bas fin 2020 (indice de mise en cause à 22 %).
Toutefois, il est trop tôt pour mesurer l’impact réel de l’épidémie sur les contentieux. Car la crise sanitaire est en soi à l’origine de nouveaux sinistres, même si leur nombre reste faible… pour le moment. La MACSF évoque toutefois « une quarantaine de dossiers » directement liés au Covid. Ils concernent principalement des recours provoqués par des déprogrammations d’actes médicaux ou d’interventions chirurgicales. Par exemple, des coloscopies et colposcopies dont l'annulation ou le report a entraîné la découverte tardive d’un cancer.
Une seconde poche de risques est liée aux contaminations à l’occasion de soins en Ehpad ou en cabinet de ville. Les plaintes liées à la vaccination Covid sont à l’origine d’une dizaine de dossiers. La téléconsultation représente un sur-risque, selon la MACSF, surtout lorsqu'elle est exercée « en mode dégradé », autrement dit avec patient jamais vu auparavant, par téléphone et non visio. Mais là encore, les dossiers sont rares.
Risque cyber et manque de personnel formé
Chez Branchet, on confirme l’émergence de nouveaux risques liés à la crise sanitaire. Déjà, la contamination au coronavirus est devenue l'une des principales causes des infections nosocomiales. L'assureur pointe aussi la hausse des attaques informatiques contre les établissements (et par ricochet les praticiens), un risque cyber multiplié par quatre en un an. Autre fait majeur, la « tension colossale sur les ressources humaines », qui accroît le risque opératoire, alerte Philippe Auzimour, directeur général de Branchet.« On voit des praticiens qui n’ont pas les infirmières pour opérer, qui manquent de personnel » s'inquiète-t-il. Des médecins ont contacté leur assureur car il n’y a « plus de blocs », parce que des opérations ont été « déprogrammées » ou qu’ils ont été « victimes de restructurations ».
Dans ce contexte, Branchet s'alarme de la prévalence et des conséquences du burn-out sur les équipes opératoires. « Un soignant présentant des symptômes de burn-out voit la qualité des soins qu'il prodigue diminuer, avec un risque augmenté d’erreur médicale », rappelle l'assureur. Le phénomène s'observe déjà outre-Atlantique, selon le Dr Graham Billingham, directeur médical de Medpro, une assurance professionnelle américaine. Invité lors de la présentation à la presse de la cartographie des risques opératoires de Branchet, il a indiqué que beaucoup de praticiens et d’infirmiers quittent le secteur de la santé aux États-Unis « notamment les praticiens les plus âgés en raison du burn-out et du stress du Covid ».
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