DE NOTRE CORRESPONDANTE
CHAPEAU de toile vissé sur la tête et un énorme chien couleur fauve accroché à ses pas, Sylvie Fontaine déambule dans son jardin avec un plaisir manifeste. Ce petit bout de paradis, aujourd’hui classé « Jardin remarquable », était auparavant une pâture pour les vaches. Avec son mari Yves, elle a planté, biné, remodelé, dessiné les espaces pour en faire un havre de verdure où la nature est reine. Un parc d’un hectare où les herbes folles et vagabondes côtoient les espèces les plus rares, où l’ortie a droit de cité. Un espace où les plantes d’Orient et d’Occident se marient sans contrainte et évoluent en toute liberté. À l’exact opposé des jardins à la française, aux allées tirées au cordeau et à la nature domestiquée.
Il faut dire que la propriétaire des lieux n’aime guère les carcans. Pétulante, un rire en cascade toujours prêt à exploser, elle est plutôt du genre électron libre. Franc-parler et âme de militante.
Avant de devenir paysagiste, cette « petite fille des pommiers et des herbes folles », comme elle se définit joliment, était médecin généraliste. Diplômée à 25 ans, avec déjà un bébé de 6 mois, elle s’installe avec son mari, généraliste également, à Maroilles, dans l’Avesnois. Médecin de campagne, elle fait aussi bien de la gynécologie que de la PMI ou de la toxico. Un peu de psychiatrie aussi. « Il y avait peu de spécialistes alentour. Nous étions de garde tous les jours de la semaine et un week-end sur quatre. Mais lorsque nous étions en repos, les gens venaient quand même sonner à la grille. En cas de pépin, le SMUR ne venait pas jusque là. Il fallait emmener les patients jusqu’à l’hôpital de Maubeuge. Les conditions étaient vraiment acrobatiques ! »
La mère de tous.
Sylvie Fontaine a beaucoup aimé ce métier, qu’elle avait choisi par passion et vocation. Mais après dix-huit années d’exercice, le ressort s’est cassé. « J’ai trop porté les malades sur mon dos. Les femmes médecins ne se protègent pas beaucoup. À la campagne, elles sont un peu la mère de tous », confie-t-elle. Pour peu que l’on ait un tempérament empathique, l’usure guette. « J’aime foncièrement les gens, et je n’ai sans doute pas pris assez de recul. »
Le décès d’une patiente dans des conditions inacceptables et un fort sentiment d’impuissance scellent sa décision. Le 28 décembre 2000, elle dévisse sa plaque, au grand dam de ses patients. « Ils étaient furieux que je les abandonne ! Pendant deux à trois ans, ils me demandaient régulièrement quand je comptais reprendre. »
Sylvie Fontaine délaisse le stéthoscope pour le sécateur. « Grâce au jardin, j’ai retrouvé une certaine liberté de penser et d’être. Mais foncièrement, je n’ai pas changé de métier. La seule chose qui m’intéresse est la vie ! ».
Elle assume seule l’entretien de son parc, où cohabitent 300 espèces différentes, et organise des visites. « C’est particulier d’ouvrir son jardin au public. C’est un espace intime. Lorsque j’accueille des visiteurs, des liens se créent. Mon parc est tout sauf un site touristique. »
Contre les pesticides.
Écologiste dans l’âme, Sylvie Fontaine profite de ces visites pour faire passer un message. « Sans créer de désespérance, j’essaie de les sensibiliser à l’écologie, et de les rendre plus vigilants et citoyens. En tant que médecin, je ne peux pas me taire devant les dégâts causés par la pollution et les pesticides. Les problèmes de santé liés à l’environnement sont en constante évolution. Aujourd’hui, j’ai retrouvé ma liberté de parole et j’essaie de tirer la sonnette d’alarme. »
La paysagiste nordiste a pourtant l’impression d’être un Don Quichotte parti à l’assaut des moulins à vent. Les collectivités locales demeurent sourdes aux alertes et continuent de déverser leurs pesticides sans se préoccuper des populations. « On sait que l’on nuit et on continue », s’insurge-t-elle. « Dans l’Avesnois, l’eau du robinet est non-conforme depuis plus de cinq ans, en raison d’une trop forte concentration de pesticides. Les élus étaient au courant et l’ont caché à la population, avant que le rapport ne soit rendu public l’an dernier. Ils ne se sentent pas concernés. »
Toujours taraudée par les problèmes de santé, la jardinière de Maroilles ! « Mon métier ne me quittera jamais. »
Site : www.lejardindesylviefontaine.fr.
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