À partir du 1er janvier 2020, les tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) de l'angine, permettant de vérifier son origine bactérienne, seront réalisables en officine par les pharmaciens – et rémunérés à ce titre.
La mesure avait été annoncée en mars par le gouvernement dans le cadre de la stratégie nationale de santé et du plan « Priorité prévention ». La négociation d'un avenant à la convention pharmaceutique vient de s'achever entre la CNAM et les représentants des pharmaciens, prévoyant un accord spécifique de rémunération.
Il prévoit deux circuits de remboursement du TROD : l'un partant du médecin, où la dispensation d'un antibiotique est conditionnée à la réalisation d'un TROD en pharmacie au tarif de 7 euros ; et un circuit partant du pharmacien dans lequel un test est réalisé aux patients arrivant avec un mal de gorge, pour 6 euros. Si le test est positif à l'angine bactérienne, le patient est redirigé vers son médecin traitant pour obtenir une prescription d'antibiotiques. La CNAM espère que cette réforme permettra de doubler le nombre de TROD angine réalisés chaque année, l'objectif étant d'améliorer la pertinence de l’utilisation des antibiotiques.
« Médecine morcelée au comptoir »
Sauf que cette évolution non concertée fait bondir les représentants des médecins libéraux.
La CSMF condamne ce jeudi le « démantèlement sauvage du métier de médecin ». « La délégation de tâches ne peut être décidée par des députés au cours d’une discussion de loi, ou unilatéralement au hasard d’un des multiples plans ministériels. On ne peut pas continuer à le découvrir dans la presse. Cela n’est plus tolérable », peste la centrale de Jean-Paul Ortiz.
La méthode déplaît d'autant plus aux généralistes qu'ils sont épinglés pour leur faible utilisation de ces TROD angine (seuls 40 % en ont commandé gratuitement en 2017). Président des Généralistes-CSMF, le Dr Luc Duquesnel regrette « un problème de méthodologie ». « Il aurait fallu qu'on parte des besoins avant de prendre cette décision et que tous les acteurs, dont les généralistes, soient mis autour d'une table pour en discuter, indique-t-il. Cela n'a pas été le cas, et après on s'étonne qu'ils soient vent debout… » Dans une newsletter à ses adhérents, le syndicat fustige une médecine « morcelée au comptoir ». « Nos difficultés démographiques ne doivent pas être un blanc-seing pour dépecer notre exercice. Non à ce saupoudrage de petites faveurs par l’État qui ne servira au final qu’à diviser le monde libéral ! », indique-t-il.
Aucun sens
MG France est également très remonté. « Cette démarche n'a pas de sens, le TROD nous permettait de faire de l'éducation aux patients, en leur expliquant ce qui relève des antibiotiques ou pas. Là, cela perd sa vertu pédagogique », se désole le Dr Jacques Battistoni, président du syndicat de généralistes, qui condamne lui aussi l'absence totale de concertation.
Très hostile à ce type de transfert « dans le dos des médecins », le SML réclame une rémunération spécifique pour les médecins qui réalisent ces tests rapides de diagnostic de l'angine (TDR) dans leur cabinet. « Dès lors qu’une rémunération est instaurée en faveur des pharmaciens pour la réalisation de ces tests, le SML ne voit pas de raison pour qu’une telle rémunération ne soit pas également créée en faveur des médecins », avance le syndicat de Philippe Vermesch.
La vaccination, les TROD, la cystite et l'entorse !
« Il est vrai qu'il n'y a pas eu de concertation pluriprofessionnelle avec l'assurance-maladie, car nous étions dans le cadre d'une convention mono-professionnelle, défend Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Mais nous sommes bien dans un avenant de coordination entre médecins et pharmaciens pour éviter la surconsommation d'antibiotiques. ».
La mesure a d'ailleurs été expérimentée par trois ARS, en Lorraine, Occitanie et Ile-de-France. Sur la totalité des patients testés en officine, moins de 10 % ont été renvoyés vers leur médecin traitant pour se faire prescrire des antibiotiques.
Mais pour la CSMF, la coupe est pleine. Ces délégations décidées selon elle à la hussarde commandent une renégociation tarifaire. « Après la vaccination, le TROD, la cystite, la lombalgie, l’entorse, le médecin n’aura plus que des consultations longues, complexes et à haute valeur d’expertise, analyse le syndicat. Elles ne peuvent rester au tarif actuel devenu obsolète et imposent d’ouvrir le chantier de la hiérarchie des tarifs de consultations. »
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