Trois questions au Pr Marc Gentilini

Publié le 22/04/2010
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Crédit photo : S Toubon

LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN - Vous êtes un de ceux qui ont très trop affirmé que l’on en faisait trop. Pourquoi ?

PR MARC GENTILINI - Dès le 22 juillet, j’ai parlé de grippe de l’indécence, parce que l’on savait déjà que le scénario catastrophe n’était pas le plus probable. Je crois que deux adjectifs, indécent et démesuré, s’imposent. On a donné dans la démesure par rapport aux problèmes de santé liés à la grippe elle-même et par rapport à l’ensemble des problèmes de santé du monde. Ce que je reproche, c’est le changement de définition du mot pandémie et les errances de l’OMS. Pandémie est un mot qui fait peur, qui a été créé pour faire peur. Il est réservé aux maladies qui se répandent sur l’ensemble du globe et qui tuent. Là, l’OMS a dit : « Peu importe qu’elle tue, l’essentiel est qu’elle se répande et se répande vite. » Une maladie infectieuse qui se répand vite et qui ne tue pas beaucoup, c’est plutôt une bonne chose car cela fait une vaccination spontanée.

Le doute au début n’était-il pas légitime ?

Je l’ai éprouvé comme tout un chacun. Au mois d’avril, j’ai compris qu’on sonne l’alerte ; j’ai aussi compris qu’on s’alarme devant les premières informations mais pas que l’on persiste. L’OMS a fait fausse route. Heureusement que la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, s’est arrêtée avant le stade 6. Imaginez que l’on soit passé au stade 6. Le pays aurait été paralysé.

Vous dénoncez un recours systématique au principe de précaution ?

Le principe de précaution, on comprend que les politiques s’en servent pour se protéger, agressés qu’ils l’ont été pour le sang contaminé, la canicule... Mais le principe de précaution n’est pas un parapluie politique. Ce doit être un principe bien appliqué, géré en fonction du danger encouru, en fonction des moyens disponibles et avec un peu de bon sens. Le problème est celui de son bon usage du principe de précaution. Les politiques n’ont pas fait un bon usage du principe de précaution. On ne peut pas faire n’importe quoi sous prétexte qu’on veut la santé des Français. Il faut aussi arrêter ces emballements médiatiques successifs. Comment un pays aussi protégé sur le plan sanitaire que la France a-t-elle pu jouer cette tragi-comédie  Nous avons trop de moyens.

Quelle leçon pouvez-vous tirer de cet épisode ?

Mon but est que cela ne recommence pas en octobre prochain. Il faut revoir la procédure de l’expertise. C’est trop sérieux pour être laissé aux seuls experts sanitaires. Le rôle des experts ne doit pas être de donner les scénarios les plus apocalyptiques mais les plus raisonnables. De plus, il faut qu’un certain nombre d’acteurs soient associés, y compris les généralistes. Le tissu sanitaire de la nation aurait dû être mobilisé et impliqué, pas méprisé et rejeté comme il l’a été. C’est une erreur majeure d’avoir écarté les médecins généralistes. Et ce n’est pas faute de l’avoir dit, le 13 octobre, lors d’une séance à l’Académie de médecine sur la grippe A où la question a été posée directement au directeur général de la Santé.

 PROPOS RECUEILLIS PAR LE Dr L. A.

Source : Le Quotidien du Médecin: 8756