«DANS NOTRE SPÉCIALITÉ, nous utilisons depuis des décennies des médicaments dans des situations hors AMM (Autorisation de mise sur le marché), molécules qui pour certaines comme le sulprostone ont finalement obtenu une AMM. La mise en garde récente de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), dans un communiqué en date du 25 février, à propos de l’utilisation du misoprostol hors AMM dans le déclenchement du travail permet de recadrer les indications hors AMM de différentes molécules », note le Pr Aubert Agostini.
Le recours au méthotrexate dans la grossesse extra-utérine (GEU) s’est mis en place petit à petit sur la base des connaissances acquises par les spécialistes et est préconisé dans les recommandations publiées en 2003 par le CNGOF (Collège national des gynécologues et obstétriciens français). Il représente le seul traitement médical possible de la GEU et donc la seule alternative à la chirurgie. Il ne doit être utilisé que lorsque son rapport bénéfice/risque est supérieur à celui de la chirurgie et, compte tenu de son effet tératogène, uniquement en cas de certitude sur l’issue de la grossesse. En effet, si la grossesse se révèle finalement intra-utérine, le fœtus aura été exposé in utero. Des cas de malformations ont ainsi été rapportés dans des pays où le méthotrexate est parfois utilisé à mauvais escient. « Le rappel à l’ordre de l’ANSM sur les prescriptions hors AMM a le mérite de recadrer l’indication du méthotrexate, qui ne doit pas être utilisé en cas de seule suspicion de GEU et qui ne peut être prescrit que chez les patientes bien compliantes, qui ne risquent pas de disparaître dans la nature, rappelle le Pr Agostini. Il a également permis d’améliorer l’information des patientes, les explications sur le médicament et sur la notion d’AMM complétant désormais la fiche d’information ».
Autre molécule utilisée hors AMM dans notre spécialité, le misoprostol. La mise en garde de l’ANSM concerne sa prescription dans le déclenchement du travail, indication qui reste controversée et qui n’est retenue que par peu d’équipes. Il est par contre utilisé beaucoup plus consensuellement dans d’autres indications. Bien sûr dans l’IVG médicamenteuse, où il est indiqué selon l’AMM en association à la mifépristone, dans la grossesse arrêtée ou encore pour préparer l’hystérectomie. Dans le contexte de l’IVG, le recours au misoprostol par voie vaginale est une pratique fréquente et reconnue mais hors AMM, qui a donné lieu il y a 3 ou 4 ans à un rappel à l’ordre sur la voie d’administration. Ce médicament était administré préférentiellement par voie vaginale pour des raisons de tolérance, la voie orale entraînant des effets secondaires digestifs, nausées et vomissements notamment. « La survenue de plusieurs cas de décès maternel, avec des conséquences médico-légales, a conduit à abandonner la voie d’administration vaginale pour la voie orale, les effets secondaires pouvant être réduits en laissant fondre le comprimé sous la langue », précise le Pr Agostini.
Enfin, troisième classe thérapeutique prescrite hors AMM en obstétrique en cas de menace d’accouchement prématuré : les inhibiteurs calciques nifédipine et nicardipine. « Initialement, nous ne disposions que du salbutamol, qui d’ailleurs était souvent utilisé au long cours, qui et entraînait une tachycardie et exposait au avec un risque d’accidents cardiovasculaires. Ces deux inhibiteurs calciques sont donc venus élargir notre arsenal thérapeutique, hors AMM, pour des raisons de tolérance. Ils n’ont pas montré une efficacité supérieure au salbutamol, mais se sont montrés aussi efficaces avec moins d’effets secondaires. Puis est arrivé l’atosiban, molécule spécifique disposant d’une AMM, dont l’utilisation peut être freinée par son coût beaucoup plus élevé. Dans notre service, pour des raisons réglementaires, nous avons désormais recours à ce médicament. Mais d’autres maternités peuvent préférer les inhibiteurs calciques pour leur prix moindre », estime le Pr Agostini, avant de rappeler qu’à terme, le prix de l’atosiban devait baisser, ne serait-ce que lorsqu’il sera génériqué.
Un groupe de réflexion.
Au niveau du Collège, un groupe de réflexion sur le bon usage des médicaments hors AMM a été mis en place, d’une part pour que les femmes soient mieux informées sur ces molécules et, d’autre part pour protéger les praticiens. « Car en pratique deux problèmes se posent. Les difficultés rencontrées pour mettre en place des études cliniques pour évaluer scientifiquement ces médicaments. Et un problème médico-légal pour les médecins prescripteurs, comme cela a été le cas lors de l’administration du misoprostol par voie vaginale », conclut le Pr Aubert Agostini.
D’après un entretien avec le Pr Aubert Agosini, hôpital de la Conception, Marseille.
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