Traditionnellement, le Front National (FN) ne s’intéressait guère aux médecins... qui le lui rendaient bien. En 2007, Jean-Marie Le Pen rassemble à peine 2 % des intentions de vote des médecins. En 2012*, Marine Le Pen fait un peu mieux et séduit 6 % des praticiens.
Mais depuis quelques mois, le FN occupe de plus en plus le terrain des professionnels de santé. Dans l’hémicycle la députée du Vaucluse Marion Maréchal-Le Pen s’est montrée très virulente lors de l’examen du projet de loi de santé et, surtout, de la proposition de loi sur la fin de vie.
De son côté, Marine Le Pen s’est adressée pour la première fois directement aux médecins lors de l’Université d’été du FN en septembre 2015, les assurant de son plein soutien contre la loi Touraine. « Nos cadres prennent conscience des problèmes des professionnels de santé », confirme le Dr Joëlle Mélin, conseillère santé de Jean-Marie puis Marine Le Pen, et eurodéputée.
Courtiser les médecins n’est cependant pas la question, précise-t-elle. La stratégie frontiste consiste davantage à jouer les Cassandre face aux menaces qui pèseraient sur le système de santé et à se poser en défenseur du « bon sens ». « On a été les premiers à dire clairement : "attention à notre système de santé". Et je dénonce le tiers payant depuis 1984... », assure le Dr Mélin.
La forte opposition des médecins à la loi de Marisol Touraine est du pain bénit pour faire le lien avec les réformes de la droite (Juppé, Bachelot...) et dénoncer « l’évidente collusion UMPS » selon les termes du FN.
Moins de verrous
Une vingtaine de médecins se présentent sur les listes FN pour les élections régionales. « Des verrous ont sauté : les généralistes, comme les infirmiers, habituellement à gauche, n’hésitent plus à dire qu’ils sont sur nos listes », veut croire le Dr Mélin. Des praticiens qui assument leur positionnement... « Quand un corps professionnel touche 5 millions de personnes par jour, il est certain qu’il y a une porosité des idées », poursuit l’eurodéputée.
Certains professionnels entretiennent des liens personnels avec le FN comme le Dr Pierre Cherrier, gynécologue à La Celle-Saint-Cloud (bastion de la famille Le Pen), tête de liste FN en Seine-et-Marne. Le Dr Jean-Louis Meizonnet, médecin généraliste à Vauvert, numéro 5 sur la liste frontiste du Gard, s’est investi en politique lorsque l’avocat Gilbert Collard l’a appelé « à sortir la tête de la tranchée ». Le Front National peut s’enorgueillir d’autres prises, comme le Pr Franck Boutault, chirurgien au CHU de Toulouse et sur la liste de Louis Aliot en Haute-Garonne, ou le Dr Pierre Delacroix, médecin humanitaire, candidat en Rhône-Alpes/Auvergne.
Ces médecins savent qu’ils sont des atouts de poids dans la stratégie de normalisation du FN. « Si je peux contribuer à diffuser des idées de bon sens, je veux bien servir de relais », explique le Dr Meizonnet. Pour le Dr Cherrier, ce serait « beaucoup d’honneur d’être l’incarnation de ce FN respectable ».
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