« L’INEFFICACITÉ croissante des antibiotiques pose déjà un sérieux problème à l’heure actuelle et représente une éventuelle bombe à retardement en termes de santé pour l’avenir », a déclaré Jo Leinen, président de la commission de la santé publique au Parlement européen, lors de la discussion d’une résolution adoptée le mois dernier. Le Parlement invitait la Commission et les États membres à adopter une stratégie européenne et internationale claire afin de prévenir la mauvaise utilisation des antibiotiques. Selon une étude européenne, 25 000 décès par an seraient liés directement ou indirectement à des micro-organismes résistants aux antibiotiques. Le plan d’action lancé hier par la Commission européenne à la veille de la Journée européenne d’information sur les antibiotiques est une réponse à un problème que beaucoup considèrent comme une « urgence absolue ».
En France, le 3e Plan de lutte devrait être annoncé ce vendredi. Un plan « plus musclé » que le plan européen, selon le Pr Pierre Dellamonica, infectiologue au CHU de Nice et membre du comité de suivi du plan national pour préserver l’efficacité des antibiotiques. Car la France demeure, en dépit des progrès réalisés, parmi les plus gros consommateurs en Europe. « Nous sommes battus par des pays comme la Grèce ou Chypre, souligne le Pr Dellamonica. Et la consommation d’antibiotiques en France est globalement 2 à 3 fois supérieure à celle de la majorité des pays du Nord de l’Euope. »
Baisse de 25 % en 5 ans.
Le plan devrait suivre les recommandations du Haut Conseil de santé publique (HCSP) dans son rapport d’avril 2011. Le HCSP suggérait notamment que le plan 2011-2016 soit « resserré sur quelques thèmes fédérateurs et un nombre limité de priorités ». Il demandait que les médecins libéraux, et en particulier les généralistes, les premiers prescripteurs, soient impliqués et participent à l’élaboration du plan dès sa conception.
« Pour la première fois, un objectif chiffré devrait être annoncé », souligne le Pr Dellamonica. Le plan devrait viser la réduction de 25 % en cinq ans de la consommation des antibiotiques. « Nous savons que la résistance bactérienne aux antibiotiques est proportionnelle à la consommation », relève le spécialiste. Les Alpes-Maritimes ont été, à son initiative, le premier département à lancer un programme ciblé sur le bon usage (« Antibio quand il faut »). « Au vu des résultats, qui avaient montré qu’une baisse de la consommation entraînait une baisse des résistances, l’Assurance-maladie a décidé de relayer ce type d’action au niveau national », poursuit l’infectiologue. Ce sera la campagne « Les antibiotiques, c’est pas systématique », qui a eu un impact positif avec une baisse de la consommation. Depuis 2009, cette dernière est cependant repartie à la hausse.
Les agences régionales de santé auront la tâche de décliner les objectifs du plan en fonction du niveau de consommation. Les disparités sont importantes d’une région à l’autre, que ce soit au niveau des prescriptions par les médecins de ville ou à celui des consommations hospitalières et ce « à typologie d’activité équivalente », précise le Pr Dellamonica.
Le plan devrait, comme le souhaitait le comité de suivi, proposer que le bon usage des antibiotiques « apparaisse clairement dans l’évaluation des médecins généralistes comme un des objectifs contractuels des CAPI » et soit inclus dans les programmes de développement personnel continu (DPC) « de façon à multiplier les enseignements post-universitaires sur le sujet ».
Ordonnance spécifique.
Le contrôle de la prescription devrait être une des mesures importantes du plan. L’idée est d’attribuer aux antibiotiques un statut spécial, de les considérer comme une classe de médicament à part. « Nous avons proposé la mise en place d’une ordonnance spécifique pour leur prescription, comme dans le cas des stupéfiants. Cela pourrait constituer un signe fort pour faire comprendre aux médecins et au public qu’utiliser les antibiotiques n’est pas anodin », indique le Pr Dellamonica. Des médicaments utiles qu’il est urgent de préserver. « La résistance progresse alors que l’innovation stagne. Il n’y aura pas de nouveaux antibiotiques dans les dix années à venir », justifie-t-il.
Le plan englobera aussi la santé animale et l’antibiothérapie en médecine vétérinaire. Si l’usage préventif ou comme substituts alimentaires est maintenant réglementé par l’Europe, il n’en est pas de même de leur usage curatif et des règles de bonnes pratiques doivent être définies.
En revanche, la vaccination ne devrait pas constituer un des axes de ce plan. « Une bonne vaccination de la population, notamment des enfants, contribue à la réduction de la consommation », affirme le Pr Dellamonica, qui regrette une certaine « frilosité » des autorités sur sujet. L’infectiologue rappelle que la vaccination a fait régresser les méningites à hæmophilus et à méningocoques de 90 % et plus, « des pathologies très angoissantes pour les familles » qui poussaient à la prescription des antibiotiques. « Des études ont par ailleurs montré que lorsque la population était bien vaccinée contre le virus de la grippe, les consommations d’antibiotiques sur la période de circulation du virus grippal diminuaient d’un quart voire d’un tiers selon les études », rappelle-t-il enfin.
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