Écarter la tentation d’autodiagnostic et d’automédication

Une campagne incite carabins et praticiens installés à prendre un médecin traitant

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Publié le 30/03/2017
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CAMPAGNE

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Crédit photo : DR

C'est un signe qui ne trompe pas : demain samedi, le collège de médecine générale va clore son grand congrès national, à Paris, avec la présentation d'une initiative originale à l'intitulé qui en dit long : « Dis, Doc ! T'as ton Doc ? ».

Porté par le collège français des anesthésistes réanimateurs (CFAR), cette vaste campagne de sensibilisation, lancée officiellement demain, entend inciter les étudiants et les praticiens en exercice (hospitaliers comme libéraux) à prendre un médecin traitant et ainsi écarter la tentation de l'autodiagnostic et de l'automédication. Quelque 65 000 externes et internes et plus de 285 000 médecins inscrits au tableau ordinal sont potentiellement visés.

La dégradation des conditions de travail à l'hôpital et la recrudescence des agressions de praticiens sur leur lieu d'exercice ont fait de l'amélioration de leur qualité de la vie professionnelle un enjeu politique. Avec la présentation récente de deux plans d'action sur le sujet (un volet hospitalier, un autre libéral), Marisol Touraine en a même fait la tête de gondole de la fin de « son » quinquennat. « Dis, Doc ! T'as ton Doc ? » est une des initiatives de terrain dont s'est inspirée la ministre de la Santé.

30 partenaires

Secrétaire général adjoint du CFAR et président d'Avenir Hospitalier, le Dr Max-André Doppia est également à la tête de la commission (nommée SMART) à l'origine du projet. Créée en 2009 après le suicide de trois anesthésistes, elle propose des outils de prévention des risques psychosociaux (enquêtes, autotests, numéro vert, etc.).

« Dis, Doc ! T'as ton Doc ? » est une série de douze affiches de médecins de spécialité et mode d’exercice différents, photographiés à un instant précis de leur carrière, en blouse bleue, verte ou blanche, derrière un écran ou au bloc. Le ministère, les cinq intersyndicales de praticiens hospitaliers, trois syndicats libéraux (la CSMF, MG France et le SML), les fédérations et conférences hospitalières, l'Ordre des médecins (CNOM) et les internes de l'ISNI – soit 30 organisations – sont partenaires* du CFAR, financeur intégral. 

« Avec cette campagne, nous voulons enclencher un changement culturel auprès des médecins. Pour beaucoup d'entre eux, il n'y a pas de raison de confier sa santé à un confrère puisqu'on se dit toujours meilleur médecin que lui », analyse le Dr Doppia. Selon la littérature, 80 % des PH n'auraient pas de médecin traitant et 40 % seulement fréquentent les services de santé au travail.

Ceux qui admettent être malades, en état de faiblesse ou de souffrance psychologique, vont souvent préférer réclamer un conseil entre deux portes plutôt qu'une consultation en bonne et due forme. « Cela nécessite de l'humilité de se considérer comme un patient face à un médecin », confirme le Dr Leicher. Selon le président de MG France, un généraliste sur deux – surtout ceux isolés – n'aurait pas de médecin traitant.

Prise de conscience tardive

C'est parce que la prise de conscience est souvent tardive que le CFAR bat campagne tous azimuts. « Les jeunes médecins, à qui on fait endosser de lourdes responsabilités très tôt, sont très concernés par les risques psychosociaux, affirme Leslie Grichy, vice-présidente de l'ISNI. Les sensibiliser permet un effet ricochet dans leur carrière. » Une étude internationale publiée fin 2016 dans le « JAMA » estime à 11,1 % le risque suicidaire chez les étudiants en médecine et 27,2 % le risque de dépression.

Le CFAR espère voir ses affiches sur les campus ou même dans les dossiers de candidatures adressés par le centre national de gestion (CNG) aux futurs PH. Le Dr Doppia rappelle que le suicide n'est que la partie émergée de l'iceberg des risques psychosociaux. « Un médecin traitant peut prévenir un AVC, des problèmes coronariens, des troubles musculosquelettiques qui peuvent influer sur la qualité des soins. C'est l'autre enjeu de cette campagne : valoriser le rôle et la place du médecin généraliste pour le suivi médical de ses confrères. »

« Il faut que l'on apprenne à repérer qu'un médecin en bonne santé est un patient qui s'ignore, complète le Pr Pierre-Louis Druais, président du Collège de la médecine générale. En ce sens, les médecins généralistes sont en première ligne pour implanter le recours au médecin traitant chez les soignants. »

* Le « Quotidien » est également partenaire de cette campagne.

Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du médecin: 9568