EN FRANCE, le mois de mai a été déclaré mois du dépistage des hépatites virales, avec en point d’orgue une Journée nationale organisée le 25 mai. Le « BEH web » de ce mercredi s’est précisément penché sur la question. Les hépatites virales B et C « demeurent insuffisamment dépistées et traitées, même en France, malgré la mise en place de plusieurs plans de lutte successifs depuis près de deux décennies », souligne dans son éditorial Catherine Enel (INSERM U866, Dijon). Le renforcement du dépistage est l’une des priorités du dernier plan national de 2009-2012. Il faut réduire le nombre de personnes infectées qui l’ignorent : ’selon la dernière étude de prévalence, réalisée par l’InVS en 2004, moins de 45 % des personnes infectées par le VHB et 57 % des personnes infectées par le VHC le savaient.
Deux mille médecins.
L’étude que présentent Arnaud Gautier et Christine Jestin dans le « BEH web » dresse un bilan des pratiques des médecins généralistes, qui jouent un rôle essentiel dans la recherche des facteurs de risque d’infection et la proposition de dépistage à leurs patients. Une enquête a été réalisée par téléphone et par Internet entre novembre 2008 et janvier 2009, auprès de 2 083 médecins généralistes exerçant une activité libérale. Résultats : « La proposition de dépistage n’est pas systématique pour l’ensemble des patients pour lesquels existent des recommandations, notamment, pour le VHB, les personnes originaires des pays à prévalence élevée et, pour le VHC, les personnes tatouées ou ayant un piercing. »
Ainsi, les médecins proposent prioritairement le dépistage du VHC aux usagers de drogues injectables : plus des trois quarts (76,6 %) déclarent leur proposer le dépistage de manière systématique et près d’un sur six (16 %) dit le faire souvent. La proposition d’une sérologie du VHC est également fréquente pour les personnes transfusées avant 1992 (trois quarts des médecins interrogées la proposent systématiquement dans ce cadre). En revanche, les praticiens la proposent de manière moins fréquente aux personnes se plaignant d’une asthénie importante et durable (28,4 % des médecins), à celles qui ont un tatouage ou un piercing (21,7 %) ou à celles qui ont subi un acte chirurgical ou médical invasif (17,6 %).
Comme pour le VHC, les médecins proposent en priorité le dépistage systématique du VHB aux usagers de drogues par voie intraveineuse et nasale, de manière systématique pour 73 %, « souvent » pour 17,9 %. Plus de la moitié des médecins interrogés proposent aussi le dépistage systématiquement à l’entourage familial d’un patient porteur de l’antigène HBs (61,8 %) ainsi qu’aux personnes ayant des comportements sexuels à risque (55,9 %). De même que pour le VHC, certaines populations se voient proposer le dépistage de façon moins régulière, les personnes originaires d’un pays de forte endémie en Asie ou en Afrique subsaharienne (38,6 % le font systématiquement) ou les personnes en situation de précarité (14,3 %).
Les principaux facteurs influençant la proposition systématique d’un dépistage sont, pour le VHC, l’âgé élevé (plus de 50 ans) et une forte proportion (plus de 10 %) de personnes bénéficiant de la CMU dans la patientèle ; pour le VHB, l’âge du patient (plus de 50 ans) et le nombre élevé d’actes par jour.
L’enquête montre aussi que peu de médecins participent à un réseau de soins consacré aux hépatites virales (2,1 % de l’échantillon ce qui correspond à 5,4 % des généralistes). « La participation à ce type de réseau augmente significativement la proposition systématique de dépistage du VHC », notent les auteurs mais pas celle du VHB.
« Ces résultats peuvent-ils s’expliquer par des connaissances insuffisantes des populations à risque pour lesquelles existe une recommandation de dépistage, s’interrogent les auteurs ? S’agit-il d’une difficulté à aborder la question du dépistage avec ces populations et à en expliquer les résultats ? Est-ce lié à la difficulté à aborder certaines thématiques (risque sexuel antécédent ancien d’usage de drogue ou d’incarcération) au cours d’une consultation sans lien avec les hépatites virales ? »
Nouvelles recommandations.
Parmi les obstacles au dépistage, l’étude cite également les résultats sérologiques jugés difficiles à interpréter, comme l’a montré une étude de l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) de 2007. Un nouvel algorithme de dépistage a été établi par la Haute Autorité de santé (HAS) à la demande de la Direction générale de la santé. La meilleure définition des marqueurs devrait permettre d’améliorer les conditions de remboursement des sérologies dont la prise en charge à 100 % est inscrite dans le plan de lutte contre les hépatites et donc la prescription des médecins. La HAS propose 3 stratégies de dépistage pour l’hépatite B. Sa préférence va à la recherche d’emblée de trois marqueurs (Ac anti-HBc, Ag HBs et Ac anti-HBS), plus coûteuse, mais ce sera au ministère de trancher.
Delphine Rahib et col., auteurs d’une étude consacrée au dépistage de l’hépatite B, notent également que l’amélioration des pratiques devra passer par « la réactualisation des et la diffusion des recommandations » et, dans le cas du VHB, par le développement et l’utilisation d’un test de dépistage rapide de l’Ag HBS, pour atteindre notamment les populations difficiles d’accès. Stéphane Chevaliez et Jean-Michel Pawlotsky décrivent les alternatives aux techniques Elisa sur sérum ou plasma comme les tests rapides (TROD) ou les tests sur papier buvard qui permettent une « biologie délocalisée auprès du patient » mais ils soulignent que des évaluations sont encore « nécessaires. »
Enfin, Arnaud Gautier et Christine Jestin suggèrent que la proposition de dépistage des hépatites devienne systématique. Si tel était le cas, le dépistage « pourrait être proposé avec celui du VIH récemment recommandé pour toute la population des 15-75 ans. Il deviendrait alors plus facile à proposer pour les médecins et à accepter pour les patients. »
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