Pour une crise de goutte, un abcès, une entorse ou même une pneumonie : les patients se succèdent, à la nuit tombée, dans une maison médicale de garde (MMG) parisienne, certains envoyés par les urgences débordées. « Nous voulons que les patients aient une alternative aux urgences » lorsque les cabinets médicaux ont baissé le rideau, et aussi « que les urgentistes tiennent le coup », explique à l'AFP le Dr Antonin Mathieu, responsable de ce lieu ouvert dans les locaux de l'hôpital Tenon dans le 20e arrondissement, mais tenu par des généralistes libéraux.
Son premier patient n'est pas des cas les plus fréquents, dit-il. Arrivé avant le début des consultations, ouvertes entre 20 heures et minuit, l'homme est porteur d'une MST, « une urgence réelle ». Il est paniqué et n'a pas osé consulter son médecin de famille.
Dans la foulée se présente un homme, sans médecin traitant, mais avec un abcès très douloureux, dont le Dr Mathieu planifie l'incision en bloc opératoire pour le lendemain. Puis un jeune homme avec « un problème de peau ».
8 h 30 d'attente aux urgences…
« Impossible de trouver un rendez-vous chez un dermatologue avant le mois de juillet. Je suis donc allé aux urgences où l'infirmière m'a orienté vers la maison de garde. Je ne savais pas qu'elle existait », raconte le patient, qui vient d'éviter les 8 h 30 d'attente estimée (pour toute personne arrivant aux urgences sur ses pieds).
« Le soutien de la médecine de ville est bienvenu pour la prise en charge de ces patients qui ne nécessitent pas le recours au plateau médical technique des urgences », détaille la Dr Hélène Goulet, cheffe du service des urgences de l'hôpital Tenon (AP-HP). « Une cystite, c'est très douloureux, ça nécessite d'avoir une consultation en urgence mais pas aux urgences », nuance-t-elle.
Patients sans médecin traitant
Se réjouissant de ce « partenariat ville/hôpital réussi », aujourd'hui pérenne mais dont la mise en place a nécessité « beaucoup d'énergie » de part et d'autre, la Dr Goulet relève qu'il ne règle pas le problème principal des urgences : trouver des lits pour hospitaliser les patients qui le nécessitent – et ainsi désengorger le service – et être en nombre suffisant, tant sur le plan médical que paramédical, pour pouvoir fonctionner correctement.
Un agent de sécurité de l'hôpital amène justement un patient depuis les urgences. Visiblement amoché et nerveux, il râle puis s'endort sur son siège. Une jeune femme « qui travaille beaucoup » et pense avoir une angine blanche lui succède. Puis un jeune homme qui a mal au pied mais n'a pas de médecin traitant.
300 000 euros d'économies
« On ne vient pas ici quand on a le choix », assure le Dr Mathieu qui travaille également dans une maison de santé du quartier. « La MMG est le bon lieu pour réintégrer les patients dans un circuit d'accès aux soins, par exemple en faisant le lien avec les médecins traitants (ou confrères du quartier), et en travaillant avec les réseaux de ville », ajoute-t-il.
Le tout en réalisant des « économies pour le système de santé ». « Une consultation ici coûte cent euros de moins que ce qu'elle ne coûte aux urgences », soit « un peu plus de 300 000 euros d'économies pour la Sécu sur une année », détaille-t-il.
Recrutement pas simple
Aujourd'hui, Paris compte cinq maisons médicales de garde. Outre les services d'urgence, le 15, les généralistes, les clubs sportifs du quartier ou Doctolib adressent des malades. Qui peuvent également venir directement.
Une quinzaine de médecins volontaires assurent ces gardes tous les soirs, plus le dimanche. Mais le recrutement « n'est pas évident ». « On veut à tout prix éviter d'avoir à fermer au mois d'août, ce qui n'est absolument pas gagné », s'inquiète le Dr Antonin Mathieu. « Pour donner envie » aux 170 généralistes de l'arrondissement de les rejoindre, des courriers sont prêts à partir et des visites de la maison de garde s'organisent.
Pas le goût des horaires décalés
Mais en 2021, le taux de participation des généralistes aux gardes est reparti à la baisse. Les conseils départementaux de l'Ordre des médecins évoquent la démographie médicale en berne, l'intensité de l'activité en journée, le tarif des actes, une plus grande importance accordée à l'équilibre vie professionnelle/vie privée ...
« Et on n'a pas tous le goût des urgences ni des horaires décalés », ajoute le Dr Antonin Mathieu. Néanmoins, si pendant deux ans, assurer cette permanence était avant tout pour lui un acte militant, « maintenant, ajoute-t-il, on y gagne très correctement sa vie. »
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