En pleine tempête provoquée par des « essais cliniques » supposés illégaux contre la tuberculose, Didier Raoult sera convoqué vendredi prochain devant la chambre disciplinaire du conseil régional de l'Ordre de Nouvelle-Aquitaine, à Bordeaux. Le célèbre infectiologue devra s’expliquer devant ses pairs, à la suite de plusieurs plaintes déposées contre lui au sujet de l'hydroxychloroquine.
En octobre 2020, le conseil départemental de l'Ordre des médecins des Bouches-du-Rhône avait en effet engagé des poursuites contre Didier Raoult, qui dirige l'Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection (IHU) à Marseille, lui reprochant notamment plusieurs entorses au code de déontologie liées à la promotion de l'hydroxychloroquine pour lutter contre le Covid. Le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) s'était également associé à cette plainte fin décembre.
Atteintes à la déontologie
Les premiers dépôts de plainte contre Didier Raoult étaient apparus dès septembre 2020. La Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) reprochait alors à l’infectiologue marseillais d’enfreindre près d'une dizaine d’articles du code de déontologie médicale. Suite à cette plainte, le conseil départemental de l’Ordre avait décidé de transmettre l'affaire devant la chambre disciplinaire régionale.
Il est notamment reproché à Didier Raoult de ne pas avoir respecté l’article 13, stipulant que « lorsque le médecin participe à une action d’information du public (…) il ne fait état que de données confirmées » et doit également « faire preuve de prudence ». Les plaignants déplorent notamment que le Pr Raoult ait promu l’efficacité de l’hydroxychloroquine ou encore qu'il ait affirmé que l’épidémie était terminée. Le directeur de l’IHU est par ailleurs accusé d’avoir déconsidéré la profession de médecin, en dénigrant ses confrères opposés à l’hydroxychloroquine. Une liste de griefs « qui n’a rien de concret », selon son avocat, Me Fabrice Di Vizio.
Que risque Raoult ?
Présidée par un juge administratif, l'audience du Pr Raoult aura lieu le 5 novembre au matin, à la cour administrative d'appel de Bordeaux. Didier Raoult risque du simple avertissement, à la radiation, en passant par l’interdiction temporaire d’exercer. La chambre peut également rejeter la plainte, dans l'hypothèse où aucun manquement au code de déontologie n'aurait été constaté. Selon « Le Figaro », dans 58 % des cas, ces plaintes n’aboutissent à aucune sanction.
À titre d’exemple, en 2017, un généraliste vosgien avait écopé d'un blâme pour avoir contrevenu à l'article 13 du code de la déontologie. Il était notamment accusé d'avoir tenu des propos dans les médias déconsidérant le vaccin contre la grippe, le généraliste préférant promouvoir le « vaccin » homéopathique et la vitamine D. Le médecin déplorait également « le lobby pharmaceutique qui entoure ce vaccin ». « En ayant de tels propos à destination du public, le praticien n’a pas fait preuve de prudence et a porté atteinte à la considération de sa profession », avait alors jugé la chambre disciplinaire.
Autre exemple, plus médiatique : la radiation en 2014 du Dr Pierre Dukan, célèbre pour ses régimes hyperprotéinés. La chambre disciplinaire avait alors reproché au nutritionniste d’avoir publié un ouvrage, destiné à un large public, proposant d’instaurer une nouvelle option au baccalauréat, basée sur l'IMC des lycéens. Une déconsidération de la profession et une atteinte à ses impératifs de « prudence » et de souci « des répercussions de ses propos auprès du public », selon l'instance, qui a ensuite prononcé sa radiation.
Présent à l'audience
Contrairement à ce qui avait été affirmé ce week-end, Didier Raoult devrait bel et bien assister à son audience bordelaise en fin de semaine, selon son avocat contacté par « Le Quotidien » . Par ailleurs, suite à la plainte du CNOM, l’infectiologue avait immédiatement réagi en portant plainte à son tour contre le président de l'Ordre, Patrick Bouet, pour « harcèlement ». Quelques semaines plus tôt, le directeur de l'IHU avait également déposé une plainte contre le vice-président de l'Ordre des médecins des Bouches-du-Rhône, le Dr Guillaume Gorincour, pour « non-confraternité ».
Dernier épisode en date pour le médiatique médecin : le parquet de Marseille a été saisi le 27 octobre dernier à la suite du signalement d’essais cliniques irréguliers contre la tuberculose, menés à l’IHU. Une annonce qui découle d'un signalement de l'Agence du médicament au procureur de la République, estimant que l'institut dirigé par Didier Raoult a contrevenu à l’article 40 du code de procédure pénale pour des essais cliniques potentiellement frauduleux.
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