C’est une première. Le 5 janvier, le tribunal judiciaire de Paris a décidé de bloquer l’accès en France à un site internet, qui promettait aux internautes d’obtenir des ordonnances de lunettes et de lentilles de contact moyennant 15 euros. « Nous nous félicitons de cette décision qui reconnaît le préjudice subi par les ophtalmologues et les patients par ces pratiques frauduleuses et peu scrupuleuses », se félicite le Dr Thierry Bour, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof), qui avait porté l’affaire devant la justice à la rentrée. La décision rend désormais obligatoire aux quatre fournisseurs internet – Orange, Bouygues Telecom, SFR et Free – de suspendre à tous les Français l’accès à la plateforme.
Depuis 2021, le site « ophtalmos.io » avait délivré « plusieurs dizaines de milliers d'ordonnances », selon le Snof. Des prescriptions « frauduleuses » car utilisant « de fausses signatures de médecins "européens" », s'insurge le syndicat. La plateforme – immatriculée en Floride – délivrait des ordonnances « sans aucun contrôle de médecin et en fournissant des formulaires Cerfa de la Cnam préremplis avec des mentions mensongères », s’est défendu le Snof, soutenu par l’Ordre des médecins et l’Assurance-maladie, devant le tribunal.
Exercice illégal de la médecine
Pour rendre sa décision, le tribunal parisien a fait appel à un huissier pour expérimenter les services proposés par « ophtalmos.io ». Une fois inscrit, l’utilisateur est censé être orienté vers une téléconsultation, qui se révèle « à chaque fois (…) impossible », indique la décision que « Le Quotidien » a pu consulter. Aussi, le patient se voit réclamer « la transmission des résultats d’un examen de vue qu’il aura fait réaliser au préalable chez un opticien aux fins d’obtention d’une ordonnance optique européenne moyennant le paiement d’une somme de 15 euros », souligne la décision.
Un des médecins prescripteur a été contacté par la justice mais il affirme « ne pas être l’auteur de ladite ordonnance et a considéré cette ordonnance comme frauduleuse », indique le jugement. La justice a ainsi « reconnu que les services proposés par le site ophtalmos.io pourraient être constitutifs d’infractions pénales d’exercice illégal de la médecine, d’escroquerie, de faux et usage de faux » mais aussi « de pratiques commerciales trompeuses au préjudice des patients et des ophtalmologues », se félicite le Snof.
Des dizaines d'opticiens dans le viseur
Les quatre fournisseurs d’accès à internet auront 15 jours pour bloquer l’accès au site, pendant un an. Une « victoire » pour le Snof, qui avait, dès l’été 2022, lancé une première mise en demeure, mais le site était réapparu « à l’identique ».
Pour autant, la procédure n’est pas terminée. Le syndicat a annoncé le 27 janvier porter plainte contre X auprès du procureur de la République de Paris pour faux, usage de faux, escroquerie, exercice illégal de médecin et complicité d’exercice illégal de la médecine. Les confrères s’étaient étonnés que « plusieurs dizaines de magasins d’optique aient conseillé l’utilisation de ce site sans propriétaire identifié à leurs clients, tout en ayant conscience de son caractère manifestement frauduleux, du contournement de la législation et de l’absence de dépistage pathologie associé ».
Sur les réseaux sociaux, le Dr Thierry Bour a espéré que la décision rendue par le tribunal judiciaire de Paris puisse « servir de modèle pour d'autres sites indélicats ».
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