C'est sans doute au ministère de la Santé que s'est déroulée la plus matinale des passations de pouvoir du gouvernement. Dès 8 heures ce samedi matin, Olivier Véran, en partance pour le moins médiatique — mais néanmoins politiquement stratégique — ministère des Relations avec le Parlement a accueilli sa successeure Brigitte Bourguignon, nommée vendredi après-midi, ministre de la Santé et de la Prévention.
Cette dernière n'aura pas besoin de camion de déménagement pour s'installer dans son nouveau bureau puisqu'elle n'a qu'un couloir à traverser. Elle transmet en effet son portefeuille de l'Autonomie à l'ex-patron des députés LR Damien Abad, qui devient ministre chargé des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées.
« Vous ne connaissez peut-être pas encore mes convictions anciennes et fortes en matière de santé de proximité et de santé accessible à tous, a déclaré la nouvelle ministre, visiblement émue et même parfois hésitante dans ses premiers mots. C'est mon combat depuis des années sur le terrain car je viens d'un territoire rural dans un département difficile en matière de prévention et de désertification médicale ». Pour autant, les « solutions miracles » n'existent pas, selon elle, « face aux problèmes accumulés depuis des décennies » et « jusqu'à ce que la suppression du numerus clausus produise ses effets ». « Nous allons devoir gérer cette pénurie accélérée par une pyramide des âges vieillissante et une évolution des mentalités », a-t-elle ajouté.
Hôpital plus humain
Anticipant la « conférence des parties prenantes » promise par le chef de l'État avant l'été, elle a annoncé une « nouvelle méthode dans l'écoute et la co-construction » car les « solutions se construisent territoire par territoire avec les élus, les citoyens et les acteurs de santé ».
Outre le renforcement de la prévention qui figure explicitement dans son portefeuille et la lutte contre les déserts médicaux, le prochain enjeu est, selon la nouvelle ministre, le renforcement de l'hôpital, en particulier des urgences, en raison des difficultés de recrutements. « Nous devons rendre l'hôpital plus humain avec moins de charges administratives pour les soignants et créer un nouveau pacte entre l'hôpital et la médecine de ville », a-t-elle annoncé.
C'est d'ailleurs dans une maison de santé pluridisciplinaire (MSP), au sein de la département dont elle est la députée et candidate à sa réélection, que la nouvelle ministre devait effectuer son tout premier déplacement, dès le début d'après-midi. Après une visite de la MSP Léonard de Vinci de Gauchin-Verloingt dans le Pas-de-Calais, un temps d'échange avec les élus locaux et les professionnels de santé de la structure était prévu car « les enjeux de l’accès aux soins en milieu rural et de lutte contre les déserts médicaux seront au cœur de la feuille de route pour les mois à venir».
Suppression du numerus clausus
Auparavant, comme de tradition, Brigitte Bourguignon a salué l'action de son prédécesseur, Olivier Véran, ainsi que celui, avant lui, d'Agnès Buzyn citant notamment la suppression du numerus clausus, l'investissement du Ségur dans les hôpitaux, le 100 % santé, la gratuité de la contraception jusqu'à 25 ans, le doublement du nombre de maisons de santé, le remboursement des consultations de psychologue ou encore la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose.
« Je veux aussi saluer ton engagement dans le Ségur de la santé, a déclaré la nouvelle ministre devant le neurologue hospitalier. Celui-ci a permis de déployer des hausses de rémunérations historiques pour nos soignants, longtemps attendues, méritées et légitimes ».
La ministre salue le sang-froid de Véran dans la crise
Mais c'est évidemment également l'action du ministre sortant dans la gestion du Covid que Brigitte Bourguignon a applaudi. « Chacun a pu mesurer ton engagement impressionnant et ton sang-froid dans la crise, tu as su prendre des décisions, parfois courageuses, pour protéger les Français, après avoir toujours recueilli l'avis des scientifiques ... les vrais ».
Le Dr Olivier Véran qui n'avait pas caché son souhait de poursuivre sa mission Avenue de Ségur n'a cependant rien laissé transparaître de ses émotions au moment de la passation de pouvoir. Après avoir dit sa « reconnaissance » et ses « salutations confraternelles » aux « blouses blanches, aux soignants, aux hussards blancs de la République qui ont rappelé qu'ils sont un pilier de notre pacte social et qui ont été la force et l'honneur de notre pays », il a aussi glissé quelques piques enrobées dans un trait d'humour. « J'ai une pensée pour ceux qui, nombreux, auraient géré cette crise d'une main de maître s'ils avaient été à notre place et qui ont une audience non négligeable : ils méritent qu'on leur rende hommage », a glissé celui dont le visage restera pour les Français longtemps associé à la pandémie. Ce qui lui aura, paradoxalement, alors qu'il n'a pas démérité au poste, probablement coûté son portefeuille.
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