« Le cabinet médical est fermé pour dépression suite au harcèlement du Conseil de l'Ordre pour avoir donné un traitement dans le Covid ». C'est le message téléphonique qui accueille aujourd'hui les patients du Dr Hélène Rezeau-Frantz. Cette généraliste installée à Dordives, commune de 3 300 habitants dans le Loiret, est en conflit avec le Conseil national de l'Ordre des médecins depuis le mois de décembre 2020.
Le Cnom lui reprochait notamment d'avoir prescrit en 2020, et fait la promotion, des antihistaminiques pour lutter contre les formes graves du Covid-19, sans aucune preuve scientifique de leur efficacité. Elle avait été condamnée en octobre 2021 à un mois de suspension d'exercice (plus deux avec sursis) par la chambre disciplinaire régionale du Centre-Val de Loire pour manquements au code de déontologie médicale, comme le relate « La République du Centre ».
Mais l'affaire ne s'arrête pas là. Estimant sans doute que la peine n'était pas à la hauteur de l'infraction, le CNOM a fait appel de cette décision. Dans l'attente d'un nouveau jugement devant la chambre disciplinaire nationale, la Dr Rezeau-Frantz n'a pas eu à exécuter cette peine qui devait entrer en vigueur le 10 février dernier. Mais ses bisbilles avec le Conseil ont visiblement affecté la praticienne qui a (temporairement ?) baissé le rideau.
Épinglée aux côtés des Prs Raoult et Perronne
La généraliste figurait sur la liste des médecins ciblés par le Cnom en décembre 2020, aux côtés des Pr Didier Raoult (sanctionné d'un blâme) et Christian Perronne, grands promoteurs de traitements controversés contre le Covid. Dans la décision de la chambre disciplinaire, que le « Quotidien » a consultée, la Dr Rezeau-Frantz s'est vue reprocher ses prescriptions d'antihistaminiques H1 (cétirizine) dans le Covid et de s'être « ainsi engagée dans une démarche de recherche impliquant la personne humaine, sans respecter les conditions fixées par le code de la santé publique ».
La généraliste s'appuyait notamment sur une étude mentionnée dans un article du « Parisien » paru en avril 2020 et portant sur 26 patients non dépistés par les tests PCR. Elle affirmait avoir elle-même constaté que ce traitement améliorait l'état clinique des patients et évitait l'évolution vers une forme grave de la maladie, tout en ayant très peu d'effets secondaires.
Selon la chambre disciplinaire, aucune étude ne permet de valider l'efficacité de ce médicament dans le Covid, et « le Dr Rezeau-Frantz ne saurait se prévaloir de la liberté de prescription prévue par l'article R. 4127-8 du code de la santé publique, dès lors que cette liberté doit s'exercer “compte tenu des données acquises de la science”. »
L'Ordre lui reprochait également d'avoir fait la promotion de ce traitement non éprouvé dans la presse, via l'article du « Parisien ». Elle s'était également épanchée dans un reportage de France 3 diffusé en mai 2020, dans lequel elle reconnaissait avoir traité 18 patients symptomatiques mais non testés PCR. « En tant que généraliste, connaissant ses patients, je ne vois pas pourquoi je n'utiliserais pas quelque chose qui peut améliorer leur état et qui ne leur donnera pas d'effet secondaire grave », expliquait la Dr Rezeau-Frantz.
L'Ordre insulté par les patients
La généraliste a reçu le soutien de nombreux patients, à l'origine d'une pétition en sa faveur. Certains d'entre eux ont également pris à partie les instances ordinales, lui reprochant d'avoir sanctionné à tort leur praticienne. « Nous avons reçu des courriers menaçants, confirme au «Quotidien» le Dr Christophe Tafani. Pourtant, je rappelle que ce n'est pas l'Ordre qui a le pouvoir de suspendre un médecin, mais la chambre disciplinaire. »
Le président du Cdom du Loiret regrette les dérives de certains confrères au début de la crise sanitaire, lorsque les connaissances sur le virus et la maladie étaient très minces. « C'était une période trouble, compliquée. Mais il était du devoir des médecins de faire preuve de la plus grande prudence avant de prescrire des traitements qui n'avaient pas été validés par des études sérieuses et d'aller crier dans la presse qu'on a le remède miracle ! On ne donne pas un traitement parce que sur 20 malades, tout s'est bien passé », insiste l'ordinal.
Il a cependant la volonté de calmer le jeu et d'apaiser les relations avec les patients du Dr Rezeau-Frantz. « Ce n'est pas une décision contre eux, ou pour leur casser les pieds, plaide le Dr Tafani. Au contraire, le but est qu'ils soient bien pris en charge, dans les meilleures conditions. » Deux évènements pourraient cependant remettre de l'huile sur le feu. La chambre disciplinaire nationale devra en effet revenir sur cette affaire dans les prochains mois. Et une autre procédure se profile : la Dr Rezeau-Frantz a elle-même porté plainte contre le Cnom, reprochant à l'instance d'avoir, dans un communiqué de presse publié le 23 avril 2020, intimidé les médecins essayant de traiter les malades du Covid.
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