Des antidiabétiques aux antihypertenseurs en passant par les IPP : le 16 décembre dernier, pharmaciens et laboratoires ont appris, « estomaqués », que le gouvernement envisageait une baisse de prix de 67 millions d'euros sur certains génériques. Un nouveau coup de semonce « catastrophique, qui va accélérer encore les pénuries », dénonce Pierre-Olivier Variot, président de l’Union syndicale des pharmaciens d’officine (Uspo).
Réunis devant la presse ce mercredi, l’ensemble des syndicats d’officinaux, de groupements de pharmacie et des représentants des laboratoires génériques ont annoncé qu’ils décidaient de boycotter la réunion de comité de suivi des génériques, prévue ce jeudi avec le Comité économique des produits de santé (CEPS). « C’est la première fois que l’on boycotte de manière collégiale cette réunion, c’est un évènement à marquer au fer rouge ! », fulmine Stéphane Joly, président du Gemme, le syndicat des génériqueurs.
« C’est la liste des pénuries de demain ! »
Dans le détail, les baisses de prix annoncées mi-décembre par le CEPS concerneront en 2023 sept molécules « qui concentrent 6,7 % du marché des génériques français et 115 millions de boîtes par an ».
Bisoprolol, metformine, ésoméprazole, pantoprazole, atorvastatine seront touchés par le coup de rabot du CEPS. « C’est la liste des pénuries de demain ! », prédit, amer, Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « Ce sont des médicaments de première intention, présents dans l’arsenal thérapeutique de tous les médecins généralistes de France, poursuit le pharmacien. On ne peut pas supporter de les avoir en rupture ».
Des marges négatives ?
Car dans les faits, les génériqueurs voient dans ces décotes tarifaires une nouvelle réduction de leur marge qui pourrait, selon eux, mettre en péril l’approvisionnement du marché français. « Chaque laboratoire aura entre 150 et 200 médicaments en marge négative avec ces baisses de prix, le risque désormais c’est que certains produits soient arrêtés », met en garde Jérôme Wirotius, vice-président du Gemme. Il précise que les génériqueurs ont « déjà des prix extrêmement bas, en moyenne 2,85 euros la boîte pour les 1 000 molécules génériquées ».
À titre d’exemple, la boîte de 28 gélules d'ésoméprazole (20 mg) devrait voir son prix baisser de 12,5 %. « En dix ans, c’est la septième baisse de prix sur l’ésoméprazole, qui est désormais vendu 3,36 euros la boîte », regrette Jérôme Wirotius, également directeur général de Biogaran. Pour la metformine – antidiabétique oral aux 43 millions de boîtes vendues chaque année – le CEPS « nous demande de passer de 1,27 euro la boîte à 1,11 euro. Nous vendons déjà le comprimé 0,037 centime… », illustre encore le vice-président du Gemme.
« Désigner les vrais coupables »
Pharmaciens et labos se disent désormais « à l’os ». Une campagne d’affichage vient même d’être lancée dans les officines tricolores pour informer les patients sur les pénuries de médicament. « Il est temps pour nous de désigner les vrais coupables des ruptures : le CEPS et le gouvernement », accuse Laurent Filoche, président de l'Union des groupements de pharmaciens d'officine (UDGPO) qui souhaite expliquer aux patients « pourquoi la France organise sciemment la prolifération des pénuries futures ».
Dans l’urgence, les représentants de la chaîne pharmaceutique demandent « un moratoire sur les baisses de prix et des hausses ciblées sur des médicaments essentiels, à l’instar de ce qui est fait en Allemagne et au Portugal », espère encore Jérôme Wirotius.
Entre les ruptures de stocks, la crise des ressources humaines et les charges administratives, « les pharmaciens en ont ras le bol », dénonce Philippe Besset (FSPF). L’Uspo de son côté n'exclut pas un mouvement de grève des officines.
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