« On nous prend pour des imbéciles » : furieux, les syndicats de médecins libéraux claquent la porte des négociations conventionnelles

Par
Publié le 19/01/2023
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : S.Toubon

« La coupe est pleine. Nous avons décidé collectivement de suspendre les négociations conventionnelles en cours », annonce le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF. Invités ce jeudi matin à un groupe de travail technique portant notamment sur la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp), les six syndicats représentatifs des médecins libéraux (CSMF, SML, FMF, MG France, Avenir Spé-Le Bloc, UFML-Syndicat) ont d'abord choisi collectivement de boycotter leur participation à cette réunion. Puis, ils ont finalement décidé de claquer la porte de l'ensemble des négociations conventionnelles en cours avec la Cnam. 

Les organisations dénoncent, pêle-mêle, l'insuffisance des moyens financiers alloués à la médecine de ville dans le cadre de l'Ondam 2023 ainsi que plusieurs textes législatifs en cours, jugés nocifs, dont la proposition de loi (PPL) de la députée Stéphanie Rist, adoptée aujourd'hui en première lecture à l'Assemblée nationale, qui « désorganise le système de santé » en autorisant l'accès direct à certains paramédicaux (infirmiers en pratique avancée, masseurs-kinésithérapeutes et orthophonistes). Pour les syndicats, les négos actuelles sont « mises sous tutelle » de plusieurs textes législatifs et « plombées par la volonté du seul gouvernement ».

Un amendement de trop

Mais selon la présidente de MG France, la Dr Agnès Giannotti, jointe par « Le Quotidien », « la ligne rouge a été cette fois franchie » avec l'amendement 438 du gouvernement à la PPL Rist. Ce texte confie aux partenaires conventionnels le soin de définir « les modalités de valorisation de l’engagement territorial des médecins en faveur de l’accès aux soins de proximité, de l’accès aux soins non programmés, de l’accès financier aux soins et des actions de santé en faveur de la population du territoire ». « Ces modalités peuvent reposer notamment sur des rémunérations forfaitaires et des tarifs spécifiques de consultation », peut-on lire dans l'exposé des motifs.

En clair, « pas de revalorisations du tarif de la consultation, décrypte la patronne du syndicat de généralistes, si les médecins ne s'engagent pas dans le contrat d'engagement territorial proposé par la Cnam ». Or pour le moment, les syndicats rejettent ce dispositif, rempli de « contraintes », sans aucunes contreparties financières connues. En effet, malgré les demandes répétées des représentants des médecins libéraux, l'Assurance-maladie fait durer le suspense en ne présentant aucun chiffrage sur les revalorisations tarifaires. « Le gouvernement est à la manœuvre par-dessus la tête de la Cnam et veut réduire le dialogue conventionnel à discuter de la couleur de la laisse qu’on passe au col des généralistes », tonne MG France, qui annonce « une catastrophe sanitaire assurée si le gouvernement persiste » dans cette voie.

Légiférer dans le dos des médecins

Même colère du côté de la FMF. « Le gouvernement est en train de légiférer dans notre dos alors que les négociations conventionnelles sont en cours. À quoi ça sert de négocier ? », tonne la Dr Corinne Le Sauder, présidente du syndicat. « On nous prend pour des imbéciles, réagit la Dr Sophie Bauer, patronne du SML. Pour avoir des revalorisations, il va falloir accepter des contraintes invraisemblables ».

Très remonté, le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML-S demande au gouvernement « d'arrêter ce jeu trouble de laisser faire des négociations où les médecins ne sont que des amuseurs publics pendant que les choses se jouent dans leur dos au Parlement ».

De son côté, le collectif « Médecins de demain », par la voix de sa présidente la Dr Christelle Audigier, partage la colère des syndicats et dénonce « un manque d’écoute et un manque de confiance entre la Cnam et le praticien » de la part du gouvernement. 


Source : lequotidiendumedecin.fr