Courrier des lecteurs

24 morts en un mois dans un village !

Publié le 10/01/2017
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Ça s’est passé dans un village de Creuse, à Ladapeyre, un village de 1 000 habitants. Rassurez-vous, c’était en 1725, au mois d’avril. Rassurez-vous, il n’y a plus que 350 habitants, ils ont tous fui dans les grandes villes pour trouver la sécurité hygiénique. Mais de quoi sont-ils morts ? J’ai été attiré par cette « anomalie » en faisant des recherches sur l’état-civil, aussi, j’ai essayé d’analyser la situation. Il y a habituellement entre 0 et 4 morts mensuellement, mais cette année-là, 8 fin mars, et 24 en avril. Ça se passerait aujourd’hui, cela ferait le buzz du moment, alors, rattrapons le temps perdu.

L’espérance de vie est un grand marqueur de nos sociétés modernes ; c’est une fonction, au sens mathématique du terme, qui dépend de la mortalité du moment. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder une courbe : l’espérance de vie des nouveau-nés en 1895 était largement supérieure à celle de ceux nés en 1915, et pourtant, la réalité fut l’inverse. Ce qui peut faire varier légèrement cette espérance de vie, c’est une amélioration ou une diminution des conditions de vie, ou rapidement, c’est un accident, qui, s’il est unique donne des résultats contradictoires à long terme. Peste, guerre, de nos jours, la grande crainte est la grippe.

Revenons à Ladapeyre ; la surmortalité a touché les moins de 10 ans, et la tranche 20 à 30 ans. Pas les seniors dont aucun n’est mort à ce moment, et qui représentent quand même 20 % de la population des plus de 20 ans. On retrouve plusieurs membres de la même famille en même temps, mais pas dans le même hameau. Ça fait quand même bien phénomène épidémique, plutôt grippe, les gastro-entérites entraînant surtout une mortalité infantile, ou généralisée. Le plus étonnant est la comparaison de la mortalité annuelle en ce seul lieu, avec les années contiguës… 55 en 1724, 58 en 1725 et 53 en 1726, donc aucune différence significative comme si la mortalité dans une population était une constante sauf accident ou modification du milieu. La superposition des trois courbes de la mortalité par âge de 1724/1725/1726 montre une étonnante superposition, sauf un « pseudo-accident » infectieux chez les 20 à 30 ans en 1725, sans conséquence sur le taux de mortalité annuelle.

Nos sociétés actuelles n’acceptent plus la mort. Lorsqu’elle arrive de façon non contrôlée, elle provoque la panique. La peste, la grippe des canards sont les symptômes d’une mauvaise hygiène, de la vie dans un univers concentrationnaire. La crainte de la grippe H1N1 fut la première alerte des politiques actuels face au risque de ce fléau qui est la surpopulation humaine des villes. La grippe de cette année suit sans doute le modèle du « pseudo-accident » de 1725, mais elle sème la panique et cette panique permet aux défenseurs comme aux détracteurs de la vaccination de développer leurs arguments et d’embrouiller un peu plus la population, il suffit d’écouter aux portes, sur les marchés par exemple. Cette panique des politiques met à mal toute politique qui puisse être suivie par la population. Pourquoi dire que la vaccination est inutile à partir d’aujourd’hui maintenant que l’on est en pic d’épidémie ? Être vacciné 3 jours avant contamination ne peut-il pas favoriser une grippe moins grave par stimulation plus précoce du système immunitaire ? Qu’on me montre une étude qui prouve le contraire, sur des cas qui sont, de toute façon, exceptionnels. N’est-ce pas plutôt le symptôme de la peur d’un procès au cas où un cas grave survienne après vaccination ? Ou parce que les stocks sont épuisés ? Et qu’il faille se débiner…

Les politiques reviennent quand même à un peu de bon sens, faute de grives, on mange des merles ; il en est pour preuve, cette année, la surabondance en cette période de grippe, des messages publicitaires rappelant certaines règles de base de l’hygiène. C’est quand même cela, plus que la médecine médicamenteuse qui a permis l’amélioration de la courbe d’espérance de vie. Il faudrait qu’ils s’en souviennent aussi à propos de ce l’on pourrait appeler l’hygiène alimentaire, son absence risquant d’être le pire fléau de tous les temps.

 

Yves Adenis-Lamarre, Bordeaux (Gironde)

Source : lequotidiendumedecin.fr