Nous y voilà… La montagne de la dissolution, a accouché une souris, malgré le front républicain, nous laissant une Assemblée nationale en configuration tripartite inédite et un gouvernement majoritairement issu d’une famille politique arrivée loin derrière les autres formations. Exit le gouvernement de Gabriel Attal, exit (temporairement seulement, si l’on en croit le Premier ministre) la loi sur la fin de vie, exit tous les thèmes en cours et qui concernaient la santé.
Ne pas oublier la 4e année du DES de médecine générale
Parmi les sujets brûlants de ce début de mandat, figure celui de l’instauration de la quatrième année du DES de médecine générale. Ou plus exactement, de sa mise en application concrète, car le décret d’août 2023 a déjà sanctuarisé cette 4e année. Notre nouveau Premier ministre, lors de son discours de politique générale, a déclaré vouloir lutter contre les déserts médicaux et la pénurie de soignants. Il en a même fait l’une des priorités de son gouvernement. Ce vaste chantier, comme une énième Arlésienne du monde médical de ces dernières années, a été appelé « programme Hippocrate ». On appréciera le clin d’œil à celui considéré comme le père du monde médical moderne. Le même Hippocrate, auteur de la maxime : « Avoir dans les maladies deux choses en vue : être utile ou du moins ne pas nuire », dont devrait s’inspirer notre nouveau gouvernement. Car, nous sommes en droit d’attendre que les nouvelles décisions du gouvernement ne soient pas plus néfastes que bénéfiques.
Ce programme Hippocrate serait incitatif auprès des internes, pour qu’ils soient naturellement poussés à s’engager volontairement à exercer dans les territoires en souffrance, pour une période donnée, avec le soutien de l’État et des collectivités. Sur le papier, ce programme semble prometteur. Mais qu’en sera-t-il en réalité ? Que va prévoir ce programme ? Imaginons qu’il soit incitatif, mais vraiment incitatif, et que les internes, massivement, soient intéressés par ces propositions et se lancent dans l’aventure. Ces internes viendraient donc combler des territoires sinistrés en termes de démographie médicale, en délaissant les autres, qui deviendraient alors les nouvelles zones plus sinistrées que leurs consœurs un peu mieux dotées. Déshabiller Pierre pour habiller Paul…
Augmentation du nombre de postes d’internes : selon quel calcul ?
Le Premier ministre a également déclaré que le nombre de postes d’internes allait être fortement augmenté l’année prochaine pour passer de 8 500 en 2024, à 11 000 en 2025 car « le temps est révolu où nous formions trop de médecins ». Là encore, cette promesse n’en est premièrement pas une, et, surtout, n’a rien à voir avec une quelconque décision politique qui serait prise par le nouveau gouvernement. En effet, suite à la réforme du deuxième cycle des études médicales, nombre d’étudiants ont préféré redoubler leur 6e année pour ne pas essuyer les plâtres de la réforme. Ainsi, au lieu des 10 000 internes normalement prévus pour la rentrée universitaire à venir, ils ne seront que 8 500 au final à arriver en 7e année. L’année prochaine, en plus des 10 000 internes « habituels » il faudra ajouter tous les redoublants qui passeront en 7e année. À bien y regarder, notre nouveau gouvernement commet même une erreur de calcul, puisque 10 000 nouveaux internes auxquels il faut ajouter les redoublants qui deviendront internes, le total à annoncer serait plutôt de 11 500… Donc aucun effort de la part de qui que ce soit. Juste un report déjà prévu.
En augmentant l’encadrement, par des enseignants-chercheurs en nombre suffisant, nous pourrions former davantage et mieux
Là où notre Premier ministre pourrait innover, ce serait en annonçant une augmentation des capacités de formation des futurs médecins. En augmentant l’encadrement, par des enseignants-chercheurs en nombre suffisant, nous pourrions former davantage et mieux. Mais, force est plutôt de constater qu’à l’heure actuelle, la tendance est plutôt à la politique de l’autruche, en ne donnant toujours aucune indication ni aucun gage concret concernant la 4e année du DES de médecine générale.
Et ce n’est pas en faisant appel aux médecins retraités, qui prennent leur retraite pour la bonne et simple raison qu’ils ont été épuisés par de nombreuses années de travail acharné sans compter leurs heures, que nous allons régler le problème de l’accès aux soins. Il faut une politique volontariste, sans effet de manche ou d’annonces qui n’en sont au final pas. Il faut repenser le système de soins, l’organisation et les trajectoires de santé de la population. Avec beaucoup de sueur, peu de sang, et quelques larmes, sans doute. Mais sinon, il faudra porter la responsabilité d’une aggravation du système de santé français. Monsieur le Premier ministre, n’oubliez pas que, comme on fait son lit, on se couche…
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