Une jeune de 13 ans s’est suicidée suite à un harcèlement qu’elle subissait en milieu scolaire.
Les parents (la mère car le père est décédé) très remontés vis-à-vis de cette situation ont décidé de porter plainte du fait, selon leurs dires, d’une absence totale d’écoute et de réactivité du chef d’établissement dans lequel cette étudiante était scolarisée.
Elle aurait plusieurs fois rencontré le principal du collègue qui aurait (il faut utiliser le conditionnel car nous n’avons pas la certitude des faits) minimisé la situation.
Cette absence de réponse adaptée (si cette situation est bien entendu vérifiée) vis-à-vis de la détresse de cette écolière nous amène à nous poser des questions sur le harcèlement en milieu scolaire.
En tant que médecin, mais aussi ancien élève harcelé, je me sens très investi dans cette cause.
Au décours de mes études il était inconcevable d’aller voir la direction d’un établissement scolaire pour confier sa détresse.
Il fallait avaler les couleuvres, et c’est de cette manière qu’on arrivait, non sans mal, à forger sa personnalité.
De nos jours ce paradigme a considérablement évolué avec de nouveaux outils de communication (Instagram, TikTok...) très prisés par ces jeunes, et un plus grand isolement de certains qui restent assis dans leurs fauteuils les yeux rivés sur leur portable en espérant obtenir des « like » à des présentations ou des autoportraits.
De ce fait, il est aisé d’isoler un peu plus un de ces adolescents en le rejetant de la communauté, et en le stigmatisant de ce fait en milieu scolaire.
Que dire de la réponse plus ou moins adaptée des enseignants ?
Il est important de souligner que dans ce microcosme des évolutions, pas nécessairement positives, sont régulièrement observées.
Les parents ne comprennent pas les échecs de leurs enfants, et il est fréquent qu’ils expriment leur ressentiment par de la violence à l’égard de certains professeurs.
En ce qui concerne le harcèlement on se rend compte que certains enseignants sont démunis du fait d’un soutien inconditionnel des parents de l’élève harceleur.
Le médecin de famille, le maillon fort dans cette situation
Trop souvent on oublie que les parents et les adolescents victimes de harcèlements viennent nous consulter afin d’avoir notre expertise, et s’enquérir des démarches à effectuer pour remédier à cette condition.
Nous sommes la dernière roue de la charrette qui est mobilisée dès lors qu’aucune réponse adaptée n’est précédemment obtenue.
En ce qui me concerne, trois situations de harcèlement m’ont conduit à réagir directement pour éviter une situation intenable et très déstabilisante pour l’élève.
Dans le premier cas un jeune lycéen quelque peu naïf avait voulu dénoncer, il y a cinq ans de cela, des trafics divers ayant lieu dans sa classe. Très rapidement il a été à l’origine d’un harcèlement de la part de la majorité des « camarades » de sa section.
Au final, et après de très grandes difficultés d’écoute avec l’académie (il a fallu que je les menace de non-assistance à personne en danger et que je mette en avant leurs responsabilités en cas de problèmes), j’ai exigé, suite à la rédaction d’un certificat médical, son transfert vers un autre établissement.
Depuis, il est devenu au sein de son université un représentant étudiant très affairiste et un tribun hors pair.
Le second était harcelé au collège par d’autres enfants qui n’ont pas hésité à le menacer sur les réseaux sociaux. Connaissant parfaitement les harceleurs et les parents que je soigne depuis leur jeune âge, j’ai mis les choses au point avec une grande détermination. De cette manière, nous avons pu résoudre cette situation complexe.
Une fois encore les parents refusaient d’accepter les remarques du principal, mais les remontrances du médecin de famille qui les connaît parfaitement ont permis de régler cette histoire de harcèlement.
Le seul point négatif que je souligne dans ce cas c’est l’impossibilité de joindre au téléphone (plusieurs appels infructueux) les responsables de la cellule dédiée au harcèlement pour avoir un éclairage plus juste de la situation, et pour donner des consignes aux enseignants.
Le troisième cas concernait une jeune lycéenne en échec scolaire et qui était la risée de ses camarades de classe. Je l’ai rencontrée et je me suis rendu compte qu'elle exprimait clairement des idées suicidaires.
Une hospitalisation a été effectuée, et une nouvelle fois je me suis heurté à l’incompréhension de son établissement d’accueil qui se souciait de son retard scolaire et non de sa détresse psychique. J’ai expliqué clairement qu’il était plus important d’avoir un élève serein qu’un élève en proie à des idées suicidaires.
Après tout, un redoublement n’est pas une fin en soi !
Tout cela pour dire que le harcèlement doit concerner tous les acteurs en charge de l’adolescent (parents, enseignants, et médecins de famille).
Il faut que nous puissions tous communiquer et ne pas rester dans notre coin car le bien-être d’un adolescent doit être une priorité avant tout.
Vous souhaitez vous aussi commenter l'actualité de votre profession dans « Le Quotidien du Médecin » ? Adressez vos contributions à aurelie.dureuil@gpsante.fr
Débat
58 % des médecins confrontés au burn-out ou à la dépression : comment en sortir ?
C’est vous qui le dites
« On m’a rapporté des consultations de généralistes à 150 euros »
Éditorial
Par-delà la méfiance
Tribune
Maladies rares et errance thérapeutique : et si l’IA nous permettait de sortir de l’impasse ?