La santé affectée pour une longue durée…

Publié le 08/03/2024
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Vu par le Dr Matthieu Calafiore – Notre nouveau ministre délégué à la santé a évoqué une remise en question de la prise en charge des affections longue durée (ALD). Dans quel but ?

Crédit photo : DR

De nombreux pays dits développés doivent faire face à une démographie vieillissante et à des besoins en santé de leurs populations ne faisant que croître. Et ces mêmes pays ne sont pas dans une forme d’opulence financière leur permettant de dépenser sans compter. L’accent est mis, pour beaucoup, dans la prise en charge financière de soins très onéreux. Chaque pays fait ses choix en la matière. Par exemple, en Allemagne, l’accent a été mis sur les soins chroniques et coûteux mais avec la recherche d’une équité de traitement pour tous les citoyens. Ainsi, la somme des tickets modérateurs supportés par les assurés ne doit pas dépasser 2 % de leur revenu net, voire 1 % pour les patients souffrant de maladies chroniques. L’approche n’est pas basée sur les pathologies à proprement parler mais sur le niveau et la quantité de dépenses nécessaires pour prendre en soin le patient.

Aux Pays-Bas, les soins de longue durée sont également orientés vers les plus nécessiteux en soins et couvrent aussi bien les séjours dans les établissements de santé que les soins reçus à domicile, tant qu’ils entrent dans l’enveloppe budgétaire accordée au patient, pour une durée de cinq ans renouvelable. Des dispositifs similaires se retrouvent dans plusieurs pays d’Europe et Bruxelles aimerait pouvoir envisager à moyen ou long terme une harmonisation des couvertures sociales entre les différents pays.

Remise en cause de la prise en charge en France

En attendant l’hypothétique disparition des frontières sanitaires entre tous les pays membres de l’Union, le système de santé français prend en charge à 100 % les dépenses pour les pathologies relevant des affections longue durée (ALD). Ces affections ont été listées au nombre de 30, puis 31 et désormais même 32. Notre approche, basée sur la prise en compte des pathologies, semble unique en Europe, même si le terme « prise en charge à 100 % » entraîne une confusion pour beaucoup de nos concitoyens. Les soins sont pris en charge à 100 % mais il leur reste malgré tout des franchises à régler et un ticket modérateur pour le forfait hospitalier ou les consultations. Et cette prise en charge ne prévaut que pour la maladie pour laquelle le patient a été accepté par l’Assurance-maladie, pas pour les autres types de soins, aussi coûteux qu’ils puissent être.

Il y a quelques jours, notre nouveau ministre délégué à la Santé, Frédéric Valletoux, a semblé donner un coup de canif dans ce contrat social et sanitaire qui place tous les patients sur un pied d’égalité face aux maladies chroniques et à leur poids financier. Mais ce poids financier individuel est également un poids financier sociétal, pesant sur nos comptes publics. Que notre ministre se pose la question de l’équité du dispositif ne paraît de prime abord pas absurde. Nous pourrions imaginer un système à l’allemande, où ceux qui possèdent de plus gros revenus auraient à participer davantage que ceux qui ont des revenus faibles. Nous pourrions aussi imaginer un système où l’ordonnance bizone n'aurait plus lieu d’exister. Les médicaments en rapport avec l’ALD du patient seraient de facto pris en charge au titre de l’ALD et le reste dans le droit commun. Exit la charge supportée par les prescripteurs concernant les médicaments qui doivent, ou non, figurer dans la partie haute de l’ordonnancier bizone.

Nous pourrions imaginer une Assurance-maladie remboursant uniquement les soins ayant fait preuve de leur efficacité

Nous pourrions imaginer une Assurance-maladie remboursant uniquement les soins ayant fait preuve de leur efficacité. Exit la chiropractie, l’étiopathie et consorts dont la Cpam de Seine-et-Marne semblait être si friande. Exit aussi les médicaments pris en charge à 15 % par le régime général, paradoxe bien français des remboursements de soins. Car tous ces médicaments délivrent un service médical insuffisant voire totalement inefficace, mais les caisses exsangues de l’État continuent de les rembourser… Enfin, nous pourrions imaginer une participation plus importante des assurances privées (alias mutuelles de santé) dans le financement des ALD. Elles réaffecteraient les fonds qu’actuellement elles allouent parfois aux pratiques charlatanesques, pour les mettre au profit de la santé de la population plus fragile.

Car si notre ministre délégué déclare que vu le montant des remboursements de l’Assurance-maladie au titre de l’ALD, il n’est « pas illégitime, illogique, comme cela a été fait régulièrement, d'interroger (...) la pertinence de ces dispositifs », il serait a contrario totalement inconcevable que la prise en charge des patients qui nécessitent des soins coûteux et répétés intervienne dans un dispositif moins protecteur des plus faibles qu’actuellement. Il en va de la grandeur de notre système de santé et de son service rendu à notre population.


Source : Le Quotidien du Médecin