Par Nicolas Gomart (directeur général du groupe Matmut) et Emmanuel Ruffin (directeur Matmut)
En matière d’exercice des soins de premier recours, l’image des centres de santé, longtemps perçus comme des dispensaires peu attractifs, proposant une qualité de soins perfectible, a sensiblement évolué depuis une dizaine d’années grâce à l’action d’un certain nombre d’établissements.
L’accent a été mis sur la rénovation des locaux, pour les rendre confortables et attrayants, le matériel médical est désormais moderne, voire de pointe. Enfin, l'accueil, les soins, l'écoute et le suivi des patients est de qualité. Tout cela s’est fait conformément à la réglementation applicable aux centres de santé, dans des conditions d’accès aux soins très favorables.
Il convient de rappeler que les centres de santé sont tenus, en outre, d’assurer des missions de prévention, d’éducation pour la santé, etc.
Certains d’entre eux incarnent l’exercice regroupé de la médecine et de ses vertus, à savoir la polyvalence de l’offre de soins avec un nombre important de spécialités proposées. Ces centres proposent également un plateau technique d’imagerie, des partenariats avec des hospitaliers dans le cadre d’un réseau ville-hôpital, une charge administrative nulle ou réduite au minimum pour les praticiens, vie professionnelle et familiale mieux conciliée. Enfin le recrutement et une animation des équipes soignantes prônant le travail en équipe permettent d’offrir au patient un parcours structuré, coordonné, fluide.
Ce modèle, au vu de ses avantages, tant pour le patient, les praticiens que sur le plan de la maîtrise des dépenses de santé, devrait être encouragé/développé.
Pour autant, ce n’est guère le cas car ces établissements atteignent rarement l’équilibre économique, ce qui limite les initiatives et projets en la matière de leurs gestionnaires (associations, mutuelles, collectivités territoriales, établissements de santé).
Quelles nouvelles pistes explorer ?
Les centres de santé souffrent d’un problème d’offre, pas de demande. La question de leur attractivité pour les praticiens étant centrale, deux voies nous paraissent devoir être explorées.
Il conviendrait en premier que les freins administratifs au recrutement des praticiens soient réduits. Nous constatons au contraire une évolution particulièrement défavorable, en particulier dans le délai et l’instruction des dossiers présentés aux Conseils de l’ordre et dans les avis rendus par ceux-ci. Cette situation décourage les candidatures. C’est un point qui devrait être revu sans délai, afin de retrouver un fonctionnement cohérent avec les aspirations des praticiens souhaitant rejoindre les centres de santé et les réalités terrains en matière de pénurie d’offre de soins.
Ensuite, l’interdiction de l’exercice libéral au sein d’un centre de santé nous semble également devoir être reconsidérée. Sans renoncer au principe d’un exercice salarié et à tarif conventionné à titre principal, nous pensons que la présence d’une offre complémentaire libérale, pouvant déroger au secteur 1, au sein du même établissement et dans des conditions circonscrites (par exemple le samedi après-midi ou en toute fin de journée) de manière à ne pas perturber la perception du centre par la patientèle, constituerait un mix utile. Il serait même opportun pour générer des revenus complémentaires de nature à atteindre l’équilibre économique voire un résultat nécessaire au renouvellement et à l’entretien des structures.
De bonnes pratiques déjà prises en compte mais insuffisantes
Expérimenter ces propositions est d’autant plus indispensable que des études se sont par ailleurs déjà penchées sur le sujet de l’équilibre économique des centres de santé et ont formulé des préconisations, que ce soit pour les bonnes pratiques de gestion et/ou de l’organisation des établissements : taille critique, mix d’activités, ratios de gestion clés, mutualisation ou externalisation, gestion des effectifs, etc. Beaucoup a été dit et imaginé en la matière. Mais aussi sur le plan de la réforme des financements publics ou de financements complémentaires qu’il serait légitime d’accorder aux centres de santé en fonction de leur engagement dans les missions d’actions sociales.
Il n’y a pas de raison de douter que ces bonnes pratiques ont été prises en compte par le management des centres de santé, dans la limite des contraintes posées par la réglementation. Pour autant, cela ne produit pas les effets escomptés, principalement du fait de difficultés dans le recrutement des praticiens.
Par ailleurs, la piste de l’octroi par l’État de financements complémentaires pérennes, stables, apparaît illusoire au regard des difficultés que connaît le système public de soins et de la lourdeur des circuits de décision.
D’où la nécessité d’explorer les nouvelles pistes mentionnées précédemment dans cette tribune.
La performance en santé ne peut être univoque et réduite soit à la performance purement médicale ou servicielle, soit à la performance économique. Elle suppose un équilibre entre ces différents facteurs, et c’est bien là que la difficulté réside in fine.
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