Un atlas des politiques gouvernementales en matière de contraception. Un atlas où chaque « note » est directement corrélée à l’accès à une contraception moderne, efficace et abordable, à l’accès aisé à une information en ligne et à une éducation à la sexualité dans le pays concerné. Un atlas complet, avec tous les pays du monde représentés… C’est le pari fou que s’est lancé le Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs (EPF) composé de parlementaires européens, en lien avec des experts des quatre coins du monde. Et ils y sont arrivés ! Pour la première fois cette année, la cartographie est complète. Pas un seul pays ne manque à l’appel. Vous rendez-vous compte du travail de titan que cela représente ?
Se fonder sur des comparaisons pour inciter les pays à progresser
La contraception doit devenir une priorité pour les décideurs politiques et les gouvernements. Et pour cela, rien de mieux que de se fonder sur des comparaisons transnationales, pour inciter les pays à progresser dans leurs politiques. Et ça marche ! Faisons un petit focus gaulois, voulez-vous ? La France a été longtemps championne d’Europe (score 2023 : 93,2/100) se faisant rattraper par la Belgique (91,1) et rejoindre par le Luxembourg (85,2)… avant d’être dépassée par le Royaume-Uni dont le score de 96,9 est difficile à battre ! Neil Datta, directeur exécutif d’EPF qui porte ce projet exceptionnel, explique non sans humour, que l’Atlas est appelé « l’Eurovision de la contraception » par les parlementaires européens ; chaque pays tentant d’arriver en tête !
La présidente élue de FIGO, la Dr Anne-Béatrice Kihara, une femme engagée au parler franc, va même plus loin dans ce principe de classement. Elle souhaite que ce score soit utilisé dans l'indice de développement humain (IDH) qui se fonde initialement sur le PIB par habitant, l'espérance de vie à la naissance et le niveau d'éducation des populations. D’ailleurs, d’autres indices viennent affiner la perception du niveau de développement d’un pays, comme l’indice de développement de genre (IDG) qui permet de comparer l’IDH des femmes et des hommes et l’indice d’inégalité de genre (IIG) qui se concentre sur l’autonomisation des femmes. Alors effectivement, pourquoi ne pas prendre aussi le taux d’accès à la contraception ?
En Amérique latine, c’est le Mexique qui gagne avec un score de 91,4. D’après la Dr Schiavon, gynécologue obstétricienne mexicaine, le succès de son pays est corrélé à l’inscription dans la constitution du droit à la contraception. En outre, la dépénalisation de l'avortement a été élargie récemment à l'ensemble de son territoire. La Dr Schiavon va même plus loin en pointant l’importance du rôle des professionnels de santé de terrain sans qui la mise en œuvre des politiques publiques serait impossible, avant de reprendre un slogan connu dans son pays « l’éducation à la sexualité, pour décider ; la contraception, pour ne pas avoir à avorter ; un avortement légal, pour ne pas en mourir ». Cette phrase a déclenché les applaudissements de toute la salle composée, justement, de professionnels de santé de tous les pays du monde.
L'importance du soutien de tous
C'est une initiative colossale cet Atlas ne peut exister sans le soutien de sociétés privées. Et c’est dans leur responsabilité sociétale d’aider ce genre de projets, tout en les laissant parfaitement indépendants. Ces projets en effet sont fondés sur des faits objectifs et donc non discutables… comme le dit très bien Susanne Fiedler, directrice commerciale du laboratoire Organon spécialisé dans la santé de la femme. Une médecin indienne dans la salle a ensuite pris la parole pour demander aux sachants des pays leaders en matière de contraception de venir en Inde les aider à uniformiser et développer les bonnes pratiques au niveau local et national… De telles initiatives ne peuvent pas être mises en place sans l’aide de fonds privés.
Malgré les aides, les actions et la volonté des acteurs de terrain, les politiques en faveur de la contraception ne s’installent pas aisément. N’oublions pas qu’en France, la contraception était interdite en raison d’une politique nataliste entre 1920 et 1967, comme le rappelle Véronique Séhier, rapporteure de l'étude « Droits sexuels et reproductifs, entre menaces et progrès » du Conseil économique social et environnemental. Et la loi remboursant la contraception pour les moins de 26 ans est toute récente, alors que cette tranche d’âge est à la fois la plus fertile et la plus précaire. De plus, les lois tardent trop souvent à être appliquées faute de moyens et dispositifs opérationnels. Il est de notre devoir à toutes et tous de surveiller cela.
Comme l’a si bien exposé la Dr Kihara, devant une assemblée aux cultures et politiques différentes, la contraception est l’affaire de tous : des hommes aussi ! Il est certain que sans une réelle volonté politique, de la société civile, des sociétés privées et des professionnels de santé, rien n’est possible. L’accès à une gamme complète de moyens de contraception est un droit fondamental non négociable et pour lequel nous devons toutes et tous rester vigilants.
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