Dans un entretien au Quotidien daté du 5 juin, l’ancien ministre de la Santé, François Braun, partage ses réflexions sur les relations complexes entre médecins et décideurs administratifs, en utilisant la figure du cône : « Prenez une boîte carrée et mettez dedans un cône. Faites un trou sur le côté et, un autre, au-dessus. Sur le côté, le docteur dira qu’il voit un triangle ; au-dessus, l’énarque dira qu’il voit un cercle. Tant que l’on n’a pas cette double vision, on ne sait pas que c’est un cône ». Flash immédiat : Monsieur le ministre Braun venait de me souffler l’idée géométrique de ce billet.
La vision du cône côté patient
Filons la métaphore, et poussons le raisonnement conique un peu plus loin : si l’énarque est placé au-dessus du cône et le médecin sur le côté, il semble logique d’imaginer que le patient est lui placé à l’autre bout du cône, alias système de santé. Que voit-il donc, de ce côté pointu ? Eh bien probablement un point légèrement saillant, peut-être même un peu effrayant, entouré d’un flou créé par le dégradé qui s’élargit en cercle autour. Flou composé par la prolongation du cône qui s’élargit en s’éloignant du patient. Vous avez l’image ?
Pour ne rien gâcher, ce point d’information (diagnostic ou recommandation sanitaire) est pris dans la nébuleuse de son environnement, composée d’une myriade d’informations de qualités et de sources très variables se déversant des écrans digitaux. Les usagers du système de santé ne sont donc clairement pas les mieux placés pour avoir une vision d’ensemble et comprendre ce qui, finalement, les concerne directement en termes de santé.
Tant qu’on n’a pas cette triple vision…
Récapitulons la triple vision du cône : un rond conceptuel pour les administrateurs, un triangle logique inversé pour les médecins (allant d’un faisceau d’hypothèses vers le diagnostic) et un point flouté perdu dans un nuage de mésinformation pour les patients. Nuage au travers duquel le patient ne voit plus que vaguement le reste du cône c’est-à-dire le système de santé.
Pourtant, ce corps de cône supporte la recommandation médicale et lui donne sa consistance. Comment le rendre plus visible du point de vue du patient, pour ancrer sa confiance, et ne pas laisser à la mésinformation la place de s’infiltrer ?
Première étape : capter son attention en simplifiant et ciblant notre information
C’est là que nous, acteurs de santé, avons à jouer avec nos compétences de géométrie dans l’espace (on y revient !) pour accompagner doublement le patient dans une opération d’ascension conique.
Première étape : capter son attention en simplifiant et ciblant notre information, sans multiplier les détails. Cela est contre-intuitif pour nos cerveaux de scientifiques qui gèrent facilement la complexité. Mais les patients sont cognitivement baignés dans une économie digitale qui rivalise d’ingéniosité pour exploiter leurs biais cognitifs en jouant sur émotions et phrases chocs. Simplifier ne doit donc pas être vécu comme un abaissement, mais plutôt comme le premier lien tissé.
Encourager un environnement d’informations sain
Ensuite il s’agit d’ancrer sa réflexion dans un environnement d’informations sain en rendant le cône plus visible. Une chose est certaine : “Dr Internet” saura toujours répondre aux questions que le patient n’osera pas nous poser. La qualité de la réponse, elle, est beaucoup moins certaine. La lutte contre la mésinformation commence donc par ne pas lui laisser de place pour s’infiltrer, en ne négligeant aucune question, même la plus farfelue. De nombreuses méthodes sont envisageables : transmettre des supports écrits pour rappeler les conseils formulés à l’oral, créer des fiches « questions-réponses fréquentes », s’appuyer sur des infirmiers formés pour assurer un suivi. Le secret, c’est de les coordonner.
Sans oublier une dernière simple mais très bonne pratique : prendre quelques minutes pour interroger le patient sur sa façon de s’informer sur la santé, et lui présenter des alternatives vulgarisées mais développées par des acteurs de confiance associés à notre fameux cône. La géométrie, à plusieurs, c’est moins compliqué !
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