Depuis cinq ans, l’éventualité d’une augmentation du risque d’amputations des membres inférieurs (AMI) chez les patients traités par des inhibiteurs des cotransporteurs sodium-glucose 2 (iSGLT2, gliflozines) fait débat. Cette suspicion a d’ailleurs contribué à retarder la commercialisation des gliflozines en France (et à l’abandon de la canagliflozine).
Après la publication de l’étude Canvas, montrant une augmentation du risque d’AMI avec la canagliflozine par rapport au placebo, plusieurs rapports de pharmacovigilance (Faers, Vigi-Base) ont fait part d’un déséquilibre dans les notifications des cas d’AMI rapportés avec les iSGLT2, la canagliflozine, mais aussi la dapagliflozine et l’empagliflozine.
Mis à part l’étude Canvas, aucun essai prospectif cardiovasculaire ou rénal n’a montré un surrisque d’AMI avec les différentes gliflozines par rapport au placebo, y compris dans Credence avec la canagliflozine.
Les informations les plus intéressantes proviennent des grandes études observationnelles rétrospectives de cohorte, qui analysent l’incidence des AMI avec les iSGLT2 en comparaison aux autres antidiabétiques dans des conditions de vie réelle. Par rapport aux inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase-4 (iDPP4, gliptines), le risque d’AMI n’est pas augmenté, mais serait même plutôt diminué avec les iSGLT2. Par rapport aux agonistes des récepteurs du glucagon-like peptide-1 (arGLP1), le risque d’AMI est modérément plus élevé sous iSGLT2. Ces dernières données, communément interprétées comme un risque accru avec les iSGLT2, pourraient plutôt correspondre à une réduction du risque avec les arGLP1.
Les études observationnelles doivent cependant être interprétées avec circonspection, d’autant plus qu’elles sont grevées d’une grande hétérogénéité. Néanmoins, l’ensemble des données concernant le risque d’AMI avec les iSGLT2 devrait rassurer les cliniciens, même si certaines circonstances doivent sans doute inciter à la prudence.
Professeur honoraire, Liège Université, CHU de Liège, Belgique