Au cours de la grossesse, le transfert du fer de la mère vers le fœtus est régulé au niveau placentaire, via le trophoblaste. Les réserves en fer du fœtus augmentent peu à peu au cours de la grossesse, mais 80 % du stock est constitué lors du troisième trimestre de la grossesse.
Chez un nouveau-né à terme, le stock de fer à la naissance est d’environ 75 mg/kg. Il se retrouve principalement dans les hématies (55 mg/kg), ce que reflète le taux d’hémoglobine élevé, dans la ferritine (12 mg/kg) et dans les tissus (8 mg/kg, sans marqueur pour l’évaluer).
Les déterminants des réserves
Ce stock de fer est donc déterminé par la durée de la grossesse, le poids de naissance, le statut en fer de la mère, avec un impact négatif d’une insuffisance placentaire (RCIU, pré-éclampsie, tabagisme…) ou d’une hémorragie maternelle. Il est à l’inverse fortement augmenté (de 30 à 50 mg/kg) par le clampage tardif du cordon, qui est aujourd’hui recommandé 1 à 3 minutes après la naissance.
Chez le nouveau-né à terme, les besoins en fer au cours des six premiers mois sont très faibles, le fer est puisé dans les hématies lysées dans les premières semaines de vie. Il n’y a pas besoin d’une supplémentation, même en cas d’allaitement maternel. Il faut en revanche bien veiller à une diversification de l’alimentation dès quatre mois chez un bébé dont le stock est potentiellement faible (petit poids de naissance notamment ou clampage précoce du cordon).
Entre 7 et 11 mois, les besoins augmentent de façon importante et le nourrisson doit recevoir 800 ml de lait de suite (deuxième âge) pour couvrir les besoins. Une supplémentation est recommandée chez ceux qui sont allaités.
Le nouveau-né prématuré est lui à haut risque de carence martiale, en raison d’une durée de grossesse plus courte, d’un petit poids de naissance, de prélèvements sanguins répétés au cours de l’hospitalisation et d’une croissance rapide. Pour les enfants nés avant 28 SA, un traitement par érythropoïétine est recommandé, ce qui accroît les besoins en fer. Mais ces bébés sont aussi à risque d’excès de fer, notamment en cas de transfusions sanguines. Ils ont en effet des capacités antioxydantes réduites et sont donc exposés à un risque de toxicité en cas d’apport trop important.
Des conséquences potentiellement délétères
Carence martiale et excès de fer ont tous deux des conséquences délétères. L’anémie peut être à l’origine de troubles du développement neurologique. La carence martiale sans anémie peut aussi être associée à des troubles de la mémorisation et du comportement, qui peuvent perdurer jusqu’à l’âge de sept ans. Elle expose aussi à un risque accru d’infections, des atteintes des phanères et des muqueuses, à une altération de la croissance, une asthénie et des troubles de la thermorégulation.
De l’autre côté, l’excès de fer peut avoir un effet délétère sur la croissance, favoriser les infections respiratoires et altérer le métabolisme d’autres minéraux comme le zinc et le cuivre. Le stress oxydatif semble le mécanisme en cause.
Dès le 14e jour de vie
Au cours de l’hospitalisation du prématuré, la supplémentation en fer est systématique. « La débuter vers le 14e jour de vie — mais pas avant du fait de l’immaturité du système antioxydant — permet de réduire le recours aux transfusions comparativement à un début plus tardif, vers six ou huit semaines », précise la Dr Laure Simon, CHU de Nantes. La posologie validée dans les essais cliniques est de 2 mg/kg/j.
En cas de recours à l’érythropoïétine, utilisée pour réduire la fréquence des transfusions mais qui accroît les besoins en fer, la supplémentation doit alors être de 3 mg/kg/j.
Après la sortie, il est recommandé de supplémenter à raison 2 mg/kg/j pour un poids de naissance compris entre 1 500 et 2 500 mg, et de 2 à 3 mg/kg/j pour un poids de naissance de moins de 1 500 g.
La supplémentation se fonde sur du lait maternel enrichi (en milieu hospitalier), ou sur une formule pour prématuré enrichie jusqu’à ce que l’enfant atteigne 3 kg, puis sur une prescription médicamenteuse lorsque l’enfant reçoit une formule premier âge standard ou du lait maternel non enrichi.
La supplémentation médicamenteuse est débutée entre deux et six semaines d’âge chronologique, pour une durée de 6 à 12 mois (petit mangeur), en fonction de la diversification.
Si l’enfant a reçu plusieurs transfusions, il faut doser la ferritine avant de débuter la supplémentation, et idéalement l’hémoglobine et la ferritine au cours de la première année de vie (vers quatre mois d’âge corrigé).
Enfin, il est important de bien suivre en parallèle les recommandations d’apports en vitamine D, en raison de son impact sur l’hepcidine, protéine qui régule positivement le transport de fer du milieu intracellulaire vers le milieu extracellulaire.
Exergue : Recommandé, le clampage tardif du cordon augmente le stock de 30 à 50 mg/kg
Entretien avec la Dr Laure Simon, CHU Nantes