Après l’avantage maternité et la télémédecine en Ehpad, quels seront les prochains avenants conventionnels au menu des négociations entre la Cnamts et les syndicats de médecins libéraux? Depuis la rentrée, les différentes interventions d’Agnès Buzyn, Nicolas Revel ou des syndicats ont permis de dégager des thèmes récurrents et de dessiner les prochains chantiers. Innovation organisationnelle, évolution de la rémunération ou nouvelles consultations devraient notamment émerger des discussions à venir.
Les nouvelles administrations mises en place, les grandes lignes de la politique de santé posées, les discussions conventionnelles entre les syndicats de médecins et la Cnamts devraient logiquement pouvoir reprendre. Qui se trouvera autour de la table ? A priori tous les syndicats représentatifs, même si la rentrée n’a pas apporté de nouvelles adhésions. Il y a un an, seuls la FMF, MG France et les chirurgiens du Bloc avaient signé la Convention, mais, aujourd’hui, cela semble démanger certains au sein des syndicats qui avaient dit non à l’époque de faire leur retour dans le jeu conventionnel.
Le SML a failli acter le sien lors de son assemblée générale il y a quinze jours.
Finalement le résultat du vote à 50-50 n’a pas permis un retour immédiat, les derniers réfractaires souhaitant recevoir encore quelques garanties de la Cnam. « Les conditions ne sont pas encore réunies pour un retour dans la convention mais le syndicat est ouvert. Il y a un an, plus de 90 % s’étaient opposés à une signature ; aujourd’hui, nous sommes tombés à 50 %, a déclaré Philippe Vermesch, nous avons fait une bonne partie du chemin ».
Du côté de la CSMF, les choses sont plus compliquées. Officiellement, Jean-Paul Ortiz a réaffirmé lors de l’université d’été du syndicat que les conditions n’étaient pas réunies pour une adhésion, mais, au sein de l’organisation, certains adhérents, des généralistes pour la plupart, paraissent souhaiter une signature. Cette division entre les différentes branches n’est pas nouvelle et existait déjà il y a plus d’un an à la fin des négociations conventionnelles. Signataires ou non, tous les syndicats seront, de toute façon, conviés à la table des négociations pour discuter des avenants. Et, de l’avis général, plusieurs chantiers prioritaires semblent se dégager pour façonner l’avenir de la convention.
La rémunération revue et corrigée
• Le C délaissé
Le C à 25 euros pour les généralistes aura marqué la dernière convention, mais, pour les médecins, il va falloir se faire une raison, la revalorisation du C de base n’est plus du tout à l’ordre du jour. Nicolas Revel tout comme Agnès Buzyn sont sur la même longueur d’onde à ce sujet. « La priorité ne peut plus être de revaloriser la valeur de l’acte de base. Ce qui ne veut pas dire écarter les actes complètement, mais il faut leur donner une finalité qui intègre des éléments de pertinence de travail collectif et de qualité des soins », a ainsi déclaré Nicolas Revel à la fin de l’été lors des rencontres des URPS. Agnès Buzyn tiendra exactement le même discours le lendemain devant la même audience.
Une manière claire de cadrer les discussions à venir qui en inquiètent déjà certains parmi les syndicats. Philippe Vermesch, président du SML, tient ainsi à rappeler que, pour sa formation, le paiement à l’acte est « indissociable de l’exercice libéral » et souhaite que les forfaits n’excèdent pas 20% de la rémunération des médecins. Pas de panique cependant, Nicolas Revel se veut rassurant : « Je sais évidemment l’attachement au paiement à l’acte, je ne suis pas en train de préparer les esprits à un big bang de la rémunération », répète-t-il à l’envi. D’autant plus que syndicats et Cnamts s’accordent sur certaines évolutions nécessaires.
• Un forfait structure requinqué
L’une de celles qui devrait faire consensus est celle du forfait structure. Fier de ce qui a déjà été mis en place par la dernière convention pour rémunérer l’environnement du praticien, le directeur général de la Cnamts veut toutefois le « porter plus loin ». Une orientation partagée par les syndicats dont certains ont fait du forfait structure une de leurs priorités, associé à un des enjeux majeurs pour les années à venir : « libérer du temps médical » pour les professionnels de santé. Reste à s’entendre sur les sommes allouées à ce forfait structure et, là, tout le monde n’est pas d’accord.
Nicolas Revel annonce, d’ores et déjà, qu’il devrait pouvoir atteindre 200 millions d’euros en 2018 et 250 en 2019. « Nous sommes en bonne voie avec les complémentaires pour qu’elles financent davantage le forfait patientèle afin qu’à la Cnamts nous puissions nous redéployer sur le forfait structure », a-t-il expliqué lors du colloque de MG France. Le forfait négocié lors de la Convention prévoyait que les professionnels puissent toucher jusqu’à 4 620 euros lorsque le dispositif serait pleinement effectif en 2019. Le SML estime que pour pouvoir financer au moins une secrétaire pour deux médecins, 10 000 euros est un minimum. Le président de la FMF, Jean-Paul Hamon, lui, réclame une fourchette entre 20 000 et 30 000 euros. « Le forfait structure sera accordé si le médecin garanti une coordination et une continuité des soins et pas en échange d’une protocolisation à tous les étages » défend-il.
• La piste de la tarification au parcours
Autre piste d’évolution de la rémunération : la tarification au parcours ou à l’épisode de soins. Le rapport Véran sur l’évolution des modes de financement des établissements de santé et le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM) prônent la mise en place de ces rémunérations forfaitaires qui pourraient être partagées entre professionnels et établissements. Parties d’une réflexion sur le changement de la tarification à l’hôpital, elles concernent, en effet, potentiellement aussi les généralistes. Dans un rapport sur le sujet publié dans le courant de l’été, le HCAAM explique ainsi le dispositif : « Le principe général (…) est de fixer, pour un épisode de soins (par exemple une hospitalisation, les soins pré- et post-opératoires, les réhospitalisations…) ou une période donnée pour les pathologies chroniques (semestre ou année), une rémunération forfaitaire globale pour tous les acteurs qui interviennent dans la prise en charge de cet épisode, pour l’ensemble des moyens nécessaires (prothèses, médicaments, transports, etc.) ». Sur ce sujet, les avis des syndicats divergent.
« Pourquoi pas un paiement à l’épisode de soins, mais cela nécessite une réflexion, en particulier au niveau technique car des problèmes dans la mise en place peuvent se poser », estime le leader de la CSMF, Jean-Paul Ortiz. Une configuration à laquelle le SML est, en revanche, opposé, considérant que cela pourrait notamment instaurer « une sélection des patients » et que cela reviendrait à donner « les clés de la médecine libérale aux établissements ».
De nouveaux types de consultations ou de nouveaux forfaits sont aussi mis sur la table dans ce dossier de l’évolution des modes de rémunération qui sera sans nul doute un des principaux chantiers conventionnels dans lesannées à venir.
Comment mobiliser sur la prévention ?
Le souhait d’une évolution des modes de rémunérations est aussi lié à la priorité numéro un du ministère de la Santé pour ce quinquennat : la prévention. Comme Agnès Buzyn l’a détaillé dans la présentation de sa « stratégie nationale de santé », la mobilisation des médecins passera notamment par des « rémunérations incitatives reposant sur des objectifs de santé publique ou consultations dédiées de prévention ». Certaines sont, d’ores et déjà, prévues par la dernière convention et entreront en vigueur le 1er novembre, pour la prévention de l’obésité ou des IST, cotées 46 euros pour les généralistes.
Cette direction ne semble pas heurter outre mesure les syndicats. Pour preuve, le SML irait volontiers plus loin, proposant ainsi dans son nouveau programme de « créer et rémunérer en conséquence des consultations longues de prévention obligatoires à des âges clés ». Pour ce qui est des objectifs de santé publique, il faut aussi très certainement s’attendre à voir évoluer la ROSP dans les années à venir. « Elle doit pouvoir vivre, confirme Nicolas Revel, et, lors de la dernière convention on s’est donné la possibilité de la faire bouger si besoin ».
Que ce soit à travers la ROSP ou non, en matière de prévention, le forfait est sans doute la formule la plus adaptée aux yeux du président de MG France, Claude Leicher : « Nous allons en discuter mais, probablement, vaudrait-il mieux aller sur un forfait de prévention annuel parce que quand vous payez une fois pour une consultation de prévention les gens peuvent décider de venir ou pas. En réalité, c’est toute l’année qu’on voit les patients et qu’on parle de ça ». Même écho du côté de Jean-Paul Hamon: « Des consultations dédiées, pourquoi pas ? Mais, sincèrement, les consultations de prévention se font directement dans le cabinet lors des consultations ordinaires », insiste-t-il. Au-delà de la prévention individuelle pour le Dr Leicher, c’est aussi la prévention collective qu’il faut revoir. « Aujourd’hui, c’est un échec complet, il faut changer son fusil d’épaule et c’est probablement territoire par territoire que les professionnels doivent réinvestir ce sujet. Nous sommes à l’heure acuelle dépossédés de cette organisation et nous ne voyons pas ce qui se passe », explique-t-il.
Trois axes pour déployer l’innovation organisationnelle
• Un fonds d’innovation pour accompagner le mouvement
« Innovations organisationnelles » : la piste a été évoquée en juin dernier dans le rapport annuel pour charges et produits de l’Assurance Maladie. Pour Nicolas Revel, c’est par là que passera le virage ambulatoire qui, pour l’instant, s’est surtout développé, via l’hôpital, à travers la chirurgie ambulatoire notamment. Un fonds national d’appui aux innovations organisationnelles devait donc être créé dans le PLFSS 2017 présenté hier pour permettre de prendre le relais du FIR (Fonds d’Intervention Régional) des ARS et financer les initiatives des acteurs de terrain. Car, sur ce point, la caisse comme les syndicats sont d’accord : l’objectif est de sortir d’une logique descendante et faire la part belle aux médecins qui font et ont envie sur le terrain. « Il faut répondre aux besoins de l’innovation, qui est surtout organisationnelle, avec le travail en équipe, mais pas uniquement en MSP », explique Claude Leicher. « L’organisation de l’offre de soins doit se faire territoire par territoire. Il faut mettre des moyens financiers à disposition de ceux qui se bougent, qui innovent », ajoute le président de MG France qui défend l’idée de créer des NMR (nouveaux modes de rémunération) territoires, à l’image de ce qu’il s’est fait pour les MSP. Chaque professionnel, en fonction de la manière dont il décide de s’organiser, pourrait alors avoir accès à des « options conventionnelles ». « Les professionnels peuvent vouloir rester dans leurs cabinets mais s’organiser avec d’autres. C’est le réseau de soins primaires, non spécialisé, polyvalent et polycompétent », souligne-t-il.
• Inclure CPTS et PTA dans le champ conventionnel
Sous le nom de NMR territoires ou pas, Nicolas Revel est lui aussi favorable à ce système « à la carte », selon le désir de faire et de s’organiser des professionnels. Pour lui, il faut « investir sur les structures et les outils en priorité » et « favoriser la coordination aussi en dehors des MSP ». Une des volontés du directeur de la Cnamts est notamment de faire rentrer les dispositifs de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et les plateformes territoriales d’appui (PTA) dans le champ conventionnel. Créées par la loi santé de Marisol Touraine, ces entités (voir encadré) sont « pour l’instant en devenir », estime Nicolas Revel et il « faut leur donner une réalité assez rapidement », a-t-il déclaré lors du colloque de MG France. Le meilleur moyen ? Les intégrer dans le champ conventionnel pour que les médecins s’en saisissent. « Il faut absolument que le financement de ces CPTS soit pérenne assez vite. Les médecins ont besoin de savoir que ça va durer, sinon ils ne peuvent pas s’engager. Cela passe donc forcément par le mécanisme conventionnel », juge également Jean-Paul Ortiz. Mais le président de la CSMF avance aussi d’autres pistes en termes d’organisation : « Il faut qu’on mette en place des systèmes de délégation de tâches, administratives, mais aussi médicales ». Cela tombe bien, Nicolas Revel fait aussi de la délégation de compétences un des leviers à activer.
• Télémédecine, UNE vraie priorité
Reste que, dans les futurs chantiers conventionnels celui qui devrait démarrer le plus rapidement est la télémédecine. Las des expérimentations qui ont peiné à se mettre en place depuis trois ans, Nicolas Revel espérait que le PLFSS 2017 lui permettrait d’ouvrir rapidement les négociations sur ce sujet. « À mon sens, le cadre expérimental ne correspond plus à la maturité du sujet. Il faut désormais rentrer dans le droit commun et ouvrir une tarification pour la téléconsultation et la télé-expertise », a-t-il expliqué lors du Congrès du SML. La télésurveillance, en revanche, méritant encore, selon lui, quelques expérimentations. Soucieux de ne pas rééditer les erreurs du passé, dans le champ de l’innovation Nicolas Revel espère, en tout cas, qu’on pourra désormais réussir à aller plus vite. « Il faudra prévoir dès le départ dans les expérimentations une dimension d’évaluation, pour basculer plus rapidement d’un cadre vers un autre ». Un diagnostic partagé par la directrice de l’organisation des soins au ministère de la Santé, Cécile Courrèges, qui appelle, elle aussi, à une meilleure articulation des « outils régaliens traditionnels avec les outils conventionnels ».
CPTS, PTA : késaco ?
Ce sont deux entités, créées par la loi de modernisation de la santé, encore peu investies par les professionels de terrain.
> CPTS ou communauté professionnelle territoriale de santé. Cette entité regroupe médicaux et paramédicaux, ainsi que des acteurs médico-sociaux, sur un territoire d’action donné. Ils partagent un même projet organisé autour de quatre objectifs : « Une meilleure coordination des acteurs, la prévention, l’amélioration et la protection de l’état de santé de la population ainsi que la réduction des inégalités sociales et territoriales. »
> PTA ou plateforme territoriale d’appui à la coordination des parcours de santé complexes. Elle est composée d’équipes pluridisciplinaires avec des compétences sanitaires et sociales. «Tout professionnel des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux peut s’adresser à la plateforme, avec une priorité donnée au médecin traitant, et ce quels que soient l’âge et la pathologie du patient. » Elles ont trois types de missions: l’information des professionnels vers les ressources sanitaires, sociales et médico-sociales, l’organisation des parcours complexes et le soutien aux initiatives professionnelles en matière d’organisation, d’accès aux soins et de coordination.