L'effet de l'environnement et de l'alimentation sur la PR est désormais bien établi. Certains aliments peuvent être protecteurs ou, au contraire, augmenter le risque de développer la maladie en cas de prédisposition. Quand la PR est établie, l'alimentation peut encore modifier son évolution. « De leur côté, les patients sont très demandeurs de conseils alimentaires. Indispensables, ceux-ci doivent être abordés au moins une fois en consultation, tout en rappelant qu'une bonne alimentation ne peut se substituer au traitement pharmacologique. Les deux sont complémentaires », insiste la Dr Johanna Sigaux (hôpital Avicenne, Bobigny), une des autrices des premières recommandations (1) de la Société française de rhumatologie (SFR) sur l'alimentation en cas de rhumatisme inflammatoire chronique (RIC).
Pour réaliser les recommandations qui faisaient défaut jusqu'à présent, la SFR s'est fondée sur l'analyse et l'interprétation des résultats de l'ensemble des études cliniques contrôlées et randomisées publiées. Celles-ci ont évalué les effets de plusieurs types de régimes ou aliments sur l'activité de la maladie dans les RIC, et en particulier dans la PR. Le groupe de travail était composé de rhumatologues, diététiciens, nutritionnistes et associations de patients.
Les oméga-3 au premier plan
La supplémentation en oméga-3 est l'intervention nutritionnelle la plus étudiée dans la PR. Les études indiquent un effet bénéfique sur les symptômes articulaires, lié notamment à une action anti-inflammatoire. Ainsi, une supplémentation par capsules d’au moins deux grammes par jour est recommandée, pendant trois à six mois (une portion de saumon d'élevage fournissant 3,2 g d'oméga-3). « Quant au régime méditerranéen (riche en fruits, légumes, céréales complètes, légumes secs et poissons gras), le niveau de preuve est plus faible. Il peut être proposé pour soulager les symptômes articulaires, et surtout pour ses effets bénéfiques sur le risque cardiovasculaire, très élevé dans la PR », remarque la Dr Sigaux.
Chez les patients obèses ou en surpoids, une prise en charge nutritionnelle peut être instaurée pour perdre du poids, afin d'améliorer les symptômes articulaires, la réponse aux traitements de fond et réduire le risque cardiovasculaire. « L'alimentation peut ainsi aider le patient à reprendre partiellement la maîtrise de sa maladie, en collaboration avec son médecin. Il devient acteur de son amélioration », ajoute la Dr Sigaux.
Des régimes à éviter
Les patients arrivent parfois en consultation avec des idées de régimes plus ou moins farfelues, qui ont donc aussi été passés au crible. C'est notamment le cas du jeûne : « faute de preuves, il n'est pourtant pas recommandé dans la prise en charge de la PR, pas plus que les régimes sans gluten (hors maladie cœliaque associée) ou pauvres en produits laitiers. Non seulement ces derniers n'ont pas démontré d'efficacité, mais ils pourraient aggraver le risque d'ostéoporose, déjà accru par la PR et la prise récurrente de corticoïdes », note la rhumatologue. De plus, aucun intérêt n’a été démontré avec d’autres régimes évalués (végane, paléolithique, cétogénique), ni pour les supplémentations en vitamines (B9, D, E, K), calcium, magnésium… Enfin, concernant les probiotiques, les études sont insuffisantes et contradictoires. Ils ne sont donc pas recommandés pour le contrôle des symptômes articulaires.
Des pistes à creuser
Certains suppléments (safran, cannelle, ail, gingembre, concentré de grenade) pourraient avoir un effet bénéfique sur l'activité de la maladie, mais les données sont encore insuffisantes pour les proposer en pratique courante. En attendant d’explorer davantage cette piste, il n'est pas non plus nécessaire de les déconseiller aux patients souhaitant en prendre.
Pour le thé et le café, les études ne sont pas suffisamment robustes méthodologiquement pour pouvoir conclure. « Elles ne sont guère plus probantes concernant le vin rouge et les autres boissons alcoolisées. La consommation d'un verre de vin rouge par jour serait associée à un plus faible risque de développer une PR, mais aucune étude ne montre l’intérêt d’en consommer une fois la maladie installée. Les recommandations sont donc les mêmes que pour le reste de la population : pas plus de deux unités d'alcool par jour chez la femme, pas plus de trois pour l'homme, et pas tous les jours », conclut la Dr Sigaux.
D’après un entretien avec la Dr Johanna Sigaux, hôpital Avicenne (Bobigny)
(1) Daien C et al. Joint Bone Spine. 2022 Mar;89(2):105319