C’est le fiasco le plus retentissant de la politique de santé de ces 20 dernières années. Lancé par Philippe Douste-Blazy en 2005, le chantier du DMP était censé parvenir en deux ans à la généralisation du dispositif. Las ! Près de deux décennies plus tard, le programme ne concerne encore qu'une minorité d'assurés. Si ce projet n’a pas débouché sur grand-chose, ce n’est pourtant pas faute de volonté politique. Cent fois les divers locataires de l’avenue de Ségur se sont attelés à relancer la machine. En vain jusque-là. La dernière tentative de redémarrage il y a trois ans par Agnès Buzyn ayant abouti à inclure moins de 10 millions de nos concitoyens, bien loin des 40 millions annoncés pour 2022.
Au vu de ce bilan, il faut donc un certain culot pour remettre le métier sur l’ouvrage à quelques mois de la présidentielle. L'enjeu est de taille. «Mon espace santé», le nouvel espace numérique de santé qui sera inauguré au tout début de l’année prochaine ambitionne non seulement de placer le DMP sur de bons rails, mais aussi de faciliter la communication entre les acteurs de santé et avec les patients. Vaste programme en réalité pour un pari pas gagné d’avance, même si pour se donner des chances d’aboutir, ses promoteurs ont tiré les leçons des échecs passés. À commencer par le manque d’intérêt manifesté jusque-là par les Français. En 2022, leur adhésion sera désormais présumée et le dossier de chacun systématiquement créé sauf mention contraire du quidam. Ce parti pris de souscription automatique – même si ce n'est pas une obligation – peut se discuter sur le plan des principes, mais il devrait avoir le mérite de l'efficacité. Par le passé, le DMP a aussi été victime du peu d’empressement des médecins à son égard. Une incitation financière à la constitution du volet de synthèse médical est désormais octroyée et la Délégation ministérielle au numérique en santé promet un système le plus intuitif possible pour éviter toute perte de temps aux professionnels utilisateurs. Sur le plan technique, un gros effort d’interopérabilité des logiciels a été mis en place. Il était temps. Cela devrait favoriser les coopérations entre acteurs de santé, qui patinaient. Enfin, budgétairement, de gros moyens ont été dégagés dans le cadre du Ségur numérique.
À ces conditions, le dossier médical partagé peut-il, tel le Phénix, renaître de ses cendres ? Réponse dans les tout premiers mois de l’an prochain. Car cette fois, compte tenu des choix opérés, on devrait pouvoir juger très vite de la solidité et de l'attractivité de la nouvelle construction. A priori, c'est plutôt bien parti. Des expérimentations ont eu lieu les mois derniers. Et côté professionnels de santé, les remontées des premiers bêta-testeurs sont plutôt encourageantes. On croise les doigts à la Cnam et au ministère de la Santé, car cette fois, il ne sera plus possible d'invoquer le droit à l'erreur.