Si « Le Généraliste » était paru en 1931

Médecin de campagne : ne décourageons pas les jeunes !

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Publié le 27/06/2017
histoire

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J’exerce depuis bientôt trente ans en Ardèche et je vous jure que c’est la campagne, presque le bled : je n’ai point vu diminuer ni changer le nombre de mes confrères immédiats ou lointains. C’est la population qui diminue, par chute verticale, comme on dit. Donc, à la campagne, la dépopulation est, en général, plus remarquable que la diminution du nombre des médecins ruraux.

Mais ne décourageons pas les jeunes qui auront envie de venir prendre notre succession. Il faut, dit notre confrère Boutarel, que le médecin de campagne soit un homme universel. Bon à tout faire, à bon escient, oui. Hé mais, tout médecin digne de ce titre, même spécialiste, ne faut-il pas qu’il soit universel ? C’est-à-dire averti de toute la pathologie générale ?

Le médecin de campagne, voyez-vous, c’est le médecin de l’avant, du temps de paix. N’est-ce pas un beau titre ? Universel, certes, comme fut universel le médecin de bataillon ou de poste de secours : soins sur place, triage, évacuation.

Devant un cas donné, débrouiller ce qu’il faut faire, ce qu’on peut faire, comment le faire : cela se passe, parbleu, dans les « réseaux de fils de fer », loin des routes, et l’hiver, il y a de la neige. La vie du malade est en danger. Et si tu n’es pas capable de te débrouiller, seul ou avec le confrère qui viendra, ou d’envoyer ton malade à la clinique, si tu ne sais que te croiser les bras et maudire les dieux, es-tu médecin ? L’auto, le mulet, de bonnes jambes, le cœur bien accroché et une bonne médecine de bon sens et de bonne volonté, il ne t’en faut pas plus pour avoir la plus chic des récompenses : le sentiment d’être utile.

Si les « jeunes » qui restent en ville se sentent incapables de cette vie d’efforts, s’ils ne pensent qu’à « faire de l’argent » sans fatigue, souci, ni responsabilité, je les plains un peu et je plains les citadins leurs clients.

Sur la situation matérielle du médecin de campagne, il y aurait beaucoup à dire.

Des cinq ou six honorables et vieux confrères que j’ai vus disparaître autour de moi depuis 1902 aucun n’a laissé de fortune. La famille de deux ou trois d’entre eux est certainement restée dans la gêne.

Mais le médecin de ville « fait-il fortune » ? Ne croyez-vous pas que le jeune homme qui entre dans la vie pour faire fortune doit entreprendre toute autre profession que la nôtre ?

(Dr Jullien, Paris médical, 1931)


Source : lequotidiendumedecin.fr