Télémédecine : « Les enthousiasmes d'aujourd'hui préparent les désillusions de demain », estime un sociologue

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Publié le 08/02/2018
Les contrepoints de la santé

Les contrepoints de la santé
Crédit photo : Camille Roux

Depuis quelques mois, les débats sur la télémédecine et les datas de santé se multiplient. Les nouvelles technologies vont-elles pour autant révolutionner le système de santé ? Rien n'est moins sûr selon le sociologue Frédéric Pierru, proche de Jean-Luc Mélenchon. « Il n'y a jamais de révolution en matière de santé » a martelé Frédéric Pierru, ce jeudi à Paris aux Contrepoints de la santé, lors d'un débat avec le directeur général de la CNAM Nicolas Revel.  

Selon le sociologue, les innovations numériques n'auront qu'un effet minime sur l'offre de soins. « Les systèmes de santé changent très lentement, progressivement avec des chocs parfois exogènes, comme la croissance économique, ou endogènes, comme la croissance démographique des médecins, mais tout cela prend 25 ou 30 ans », a-t-il développé.

Une analyse bien loin des ambitions présentées par Nicolas Revel. Le patron de l'Assurance maladie attend lui que les récentes évolutions réglementaires autorisant l'expérimentation de nouveaux modes d'organisation dans le budget de la Sécu 2018, offrent une nouvelle donne au système de santé, « non pas dans les cinq à dix prochaines années mais dans les deux prochaines ».

Évolution lente

Les Français, eux, restent convaincus que les nouvelles technologies vont jouer un rôle majeur. Selon un sondage BVA pour les Contrepoints de santé présenté ce jeudi, 84 % pensent que les Big datas, les algorithmes et l'intelligence artificielle vont transformer le système de santé dans les cinq prochaines années. Ils n'en restent pas moins inquiets. Plus de la moitié pense que ces avancées digitales présentent des risques pour les relations médecin-patient.

Ce lien devrait également être bousculé par le développement de la télémédecine, actuellement l'objet de négociations conventionnelles. Selon Nicolas Revel, la téléconsultation sera une réponse à l'accès aux soins mais ne devrait pour autant ni dégager de temps médical au médecin, ni coûter plus d'argent à l'Assurance maladie. « Cela prendra le même temps qu'une consultation classique. Je ne suis pas convaincu que cela représentera un volume de consultations supplémentaires », a-t-il affirmé. Pour lui, la réelle évolution se fera sur la télé-expertise. « Elle aura une contribution forte pour l'accès aux soins dans la mesure où elle remplacera des consultations par une expertise », a-t-il expliqué. 

Télémédecine, une illusion ?

Selon Frédéric Pierru, la télémédecine n'aura pas d'incidence majeure sur l'accès aux soins. Il pointe notamment le nombre de médecins encore nombreux à être réfractaires à cette pratique et qui craignent pour la « qualité de leur pratique ».

La télémédecine relève selon lui de propositions politiques plus que d'une véritable révolution. « Les enthousiasmes politiques d'aujourd'hui préparent les désillusions de demain. J'ai du mal à croire que la télémédecine va fournir une solution rapide aux problèmes des déserts médicaux d'autant plus que pour les patients âgés une consultation est forcément physique, un colloque singulier, un examen clinique… »


Source : lequotidiendumedecin.fr