Alors qu'en France, le projet de loi sur la fin de vie, plusieurs fois repoussé, est annoncé au final pour février 2024 et suscite d’ores et déjà la fronde du collectif de soignants opposés à l'aide à mourir, le débat est relancé dans la péninsule italienne.
Atteinte d’une sclérose en plaques détectée en 2010, une Italienne âgée de 55 ans a eu accès au protocole du suicide assisté totalement encadré par l’Assurance-maladie (Servizio sanitario nazionale). Une première en Italie, cette procédure n’ayant jamais été intégralement prise en charge par l’Assurance-maladie qui a fourni l’équipement et le cocktail létal.
En novembre 2022, Anna* a demandé à l’Assurance-maladie de pouvoir accéder au suicide assisté sur la base d’une exception soulevée par la Cour constitutionnelle en 2019. Cette décision de la Haute Cour a reconnu le droit au suicide assisté pour les personnes « autodéterminées et dépendantes de traitements vitaux », atteintes d’une pathologie irréversible provoquant des douleurs physiques et psychologiques insupportables, en l’absence d’une loi sur la fin de vie.
Enquête sur l'Assurance-maladie
À condition toutefois, que l’état du patient soit certifié par des experts médicaux, ce qu’Anna avait demandé à l’Assurance-maladie. N’ayant pas reçu de réponse, cette Italienne a saisi le tribunal de Trieste (Nord) où elle était résidente en 2023. Elle a également porté plainte auprès des carabiniers et réclamé l’ouverture d’une enquête sur l’Assurance-maladie qui n’aurait pas respecté les procédures sur les examens médicaux préconisés par la Cour constitutionnelle qui permettent d’avoir accès au suicide assisté.
Le 4 juillet dernier, le tribunal a condamné l’agence régionale de l’Assurance-maladie et lui a ordonné d’effectuer l’expertise médicale dans un délai de trente jours sous peine d'une amende de 500 euros qui devraient être versés à la patiente au titre de dommages. Le tribunal a également déclaré que l’Assurance-maladie devrait suivre la patiente durant les phases successives. « L’Assurance-maladie a vérifié les conditions cliniques et psychologiques de la patiente et elle a reconnu sur la base des résultats, que cette dernière répondait aux critères établis par la Cour constitutionnelle en 2019 » a expliqué son avocat, maître Filomena Gallo.
Un cas de figure d'exception, des projets de loi bloqués
Ce premier cas de suicide assisté intégralement pris en charge par le système de santé relance le débat sur la fin de vie en Italie. En l’état actuel, la loi punit l’aide au suicide d’une peine allant de 5 à 12 ans de prison. Plusieurs projets de loi ont été présentés au Parlement mais les pressions des mouvances proches de l’Église et de la droite italienne opposée à la fin de vie, ont toujours bloqué la discussion.
En 2022, la Cour constitutionnelle a rejeté une demande de référendum au prétexte que le texte ne protégeait pas la vie humaine en général et en particulier, celle des personnes vulnérables. Une nouvelle motion est actuellement examinée par le Parlement. Une partie de la Ligue qui siège au gouvernement demande au Parlement de légiférer au plus tôt pour autoriser le suicide assisté au nom de la liberté de choix. Mais cette proposition a peu de chances d’aboutir compte tenu des positions pro-vie d’une grande partie de la majorité qui regroupe la droite et l’extrême droite proches des mouvances catholiques.
De son côté, la communauté scientifique intervient. La Fédération des Ordres des médecins (Fnom CeO) a soulevé la question des médecins objecteurs de conscience qui pourraient éventuellement bloquer l’application de l’exception soulevée par la Cour constitutionnelle, comme ils le font déjà pour les IVG. « Cela est improbable, de nombreux médecins sont disponibles, ils ne donnent pas la mort mais sont proches des patients qui ont décidé d’accomplir un tel geste tout en sachant que leur acte lacère la conscience de ceux qui ont juré comme nous, de ne jamais aider la mort », assure le Dr Filippo Anelli, président de la Fnom CeO.
* nom d’emprunt
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