La mort assistée du réalisateur Jean-Luc Godard en Suisse a percuté le début des débats sur la fin de vie relancés par le président Macron en vue d'une modification de la loi. Dans ce cadre, l'avis rendu par le CCNE ouvre la consultation citoyenne avec des débats en région, et pour la première fois valide la possibilité d'une aide active à mourir à moyen terme (reco 15). Il insiste notamment sur le fait que la loi Leonetti/Clayes n'est pas suffisamment connue ni appliquée. Selon lui, les efforts réalisés en France pour mettre en place les soins palliatifs sont largement insuffisants. Ce paradoxe a été souligné par Jean-François Delfraissy sur France Inter le 14 septembre dernier : « Pourquoi faire une loi si on n'a pas les moyens pour l'appliquer ? »
Les contre du CCNE
Pour autant, des réserves ont été prononcées au sein même du CCNE par huit de ses membres (dont la neurologue Sophie Crozier. Voir son portrait). Selon eux, il faut d'abord se pencher sur le constat qu'on meurt mal en France. Et d'appeler à développer la connaissance des dispositifs actuels, favoriser l’accès aux soins palliatifs, améliorer la connaissance et la recherche dans ce domaine : « Quel message enverrait-on au personnel soignant ? Est-ce un signe de notre incapacité à améliorer la fin de vie en France ? Envoie-t-on le signe que certaines vies ne méritent pas d’être vécues ? », souligne Annabel Desgrées du Loû, l'une des huit signataires.
Mourir sans souffrance et sans peine
Quant aux praticiens des soins palliatifs, leurs réactions sont très mitigées. Selon Claire Fourcade, présidente de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs, « l'autorisation de l'euthanasie serait une décision de rupture éthique et anthropologique. Aujourd'hui, on voudrait mourir sans souffrance, ce qui est notre objectif en soins palliatifs, mais également sans peine, presque sans s'en apercevoir ». Dans la même logique, huit organisations de soignants ou d'établissements pratiquant des soins palliatifs se sont inquiétées mardi des effets d'un « changement éthique majeur », soulignant que « donner la mort n'est pas un soin ».
Jean Leonetti : Faut-il donner la mort quand quelqu'un la réclame ?
Sur France Bleu, Jean Leonetti s'interroge : « Toute loi qui va à l'encontre de la vie humaine, pose un problème fondamental et existentiel, elle porte même un problème de culture et de civilisation ». Pour lui, les récentes propositions du président de la République « vont ailleurs ». Faut-il donner ou non la mort quand une personne la réclame ? « Il y a 2 % de gens en Belgique qui demandent de mourir, 98 % qui demandent de mourir sans souffrance. C'est donc là l'essentiel et actuellement, il y a 20 départements où il n'y a pas de service palliatif, ni de culture des soins palliatifs. Ce n'est pas normal ».
Clause de conscience
Quant au Conseil national de l'ordre des médecins, il réclame une clause de conscience pour pratiquer l'euthanasie, selon son président interviewé par Le Quotidien du médecin, le Dr Arnault : « Si une assistance au suicide était acceptée, nous serons très attentifs : doit-il être accompagnateur ? Sûrement. Effectuer ? Je ne crois pas. Ce n'est pas son rôle. » Et de reconnaître la forte attente dans la population. Pour autant, « il faut que la loi protège le médecin dans l'accompagnement qu'il serait amené à faire. Et l'Ordre n'est pas favorable à l'euthanasie, où un médecin effectue l'injection létale, a-t-il poursuivi. Pour le président du Cnom, « cela doit passer par une clause de conscience, à l'instar de celle qui existe pour l'interruption volontaire de grossesse, avec le devoir de réorienter le patient vers un médecin qui accepte de le prendre en charge » , a-t-il plaidé. Une position qui rejoint les recommandations du CCNE.
Une médecine décrédibilisée ?
Le sujet traverse le politique. Dans le journal La Croix, le philosophe Damien Le Guay estime qu’on ne revient jamais sur un droit « sociétal » et prédit que « la médecine terminale sera décrédibilisée ». Il va même plus loin en mettant en cause l'indépendance du CCNE. Les partisans d'une modification de la loi se trouvent plutôt à gauche de l'échiquier politique, comme Bernard Jomier, sénateur PS : « En estimant que les soins palliatifs vont se développer, le CCNE ouvre le débat sur une évolution de la législation actuelle et je trouve que c’est une bonne chose. »
Enfin, sans surprise aussi, l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) salue une « ouverture qui donne un réel espoir à tous ceux qui, en fin de vie, ne trouvent pas de solution dans les dispositifs de la loi actuelle ».
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