Au lycée déjà, Giorgio Pulvirenti rêvait de devenir médecin et, surtout, généraliste. « Je n’ai pas grandi dans un milieu médical, mes parents faisaient tout autre chose. Mais pour moi, la médecine, surtout générale, a toujours représenté un univers magnifique. Les généralistes sont essentiels car ils sont le premier maillon de la chaîne de santé, on l’a bien vu pendant la pandémie ! », explique le jeune praticien.
Lorsqu’il termine ses études à l’âge de 24 ans et décide de se spécialiser en médecine générale, quelques amis l’inciteront bien à choisir plutôt une autre branche qui lui permettrait, disent-ils, d’être mieux rémunéré. Mais le futur généraliste s’entête et décide de franchir le Rubicon le jour de son vingt-sixième anniversaire. C’était le 9 février dernier. Une journée particulière. « Ce jour-là, j’ai fêté mes 26 ans et j’ai signé la convention avec l’assurance maladie italienne pour devenir médecin traitant », se souvient le Dr Pulvirenti. Deux mois plus tard, le 14 avril dernier, il ouvrait enfin son cabinet.
Aucune aide pour s’installer
Une décision importante pour ce praticien qui n’a pas voulu commencer sa carrière chez un confrère plus âgé qu’il aurait pu remplacer par la suite. Cette pratique, très courante en Italie, permet aux jeunes généralistes de s’installer progressivement et, surtout, d’hériter de la clientèle de leur prédécesseur lorsque celui-ci prend sa retraite. « Je n’ai pas voulu me retrouver avec un médecin qui m’aurait pris par la main et qui m’aurait accompagné, j’aurais eu le sentiment de ne pas être capable de relever mon défi et d’atteindre les objectifs que je me suis fixés », confie le Dr Pulvirenti.
Un défi. Le mot est lâché et il est de taille. Car se lancer sans filet n’est pas simple. De l’autre côté des Alpes, chaque région est autonome au chapitre de la santé. Mais le système manque d’homogénéité. À titre d’exemple, la région sicilienne, contrairement à la Lombardie ou encore à l’Émilie-Romagne, ne verse aucune aide aux jeunes médecins qui souhaitent ouvrir un cabinet. Un choix regrettable, notamment en cette période de grande pénurie de généralistes, déplore le Dr Pulverenti, qui ajoute qu’il faudrait aussi probablement remodeler le système en profondeur, surtout pour ce qui concerne les rétributions. « Trop de jeunes médecins jettent l’éponge et se tournent vers le privé ou les coopératives spécialisées dans l’intérim médical parce qu’ils n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Il faudrait commencer par salarier les généralistes. »
Jongler avec les dépenses
En effet, les conditions économiques ne sont pas attractives. En Italie, les généralistes touchent entre 35 et 70 euros brut par patient et par an, les tarifs variant selon l’âge du patient et le nombre d’assurés suivis par le praticien. Les frais de roulement du cabinet sont à leur charge et ils doivent aussi payer leur remplaçant lorsqu’ils s’absentent. « Le truc, c’est d’avoir le plus de patients possible compte tenu du fait que le généralise peut suivre jusqu’à 1 500 patients voire 1 800 en cas de dérogation particulière », confie un médecin de famille sous anonymat. Mais se construire une clientèle n’est pas simple, surtout pour le Dr Pulvirenti, une quarantaine d’autres généralistes ayant pignon sur rue dans toute la ville d’Acireale et aussi sa ceinture. Toutefois, une partie de ces praticiens devraient progressivement partir en retraite et leur clientèle devra choisir un autre médecin traitant…
En attendant, le Dr Pulvirenti jongle avec les dépenses. Il a réussi dans un premier temps à régler le problème du loyer en s’installant dans un immeuble qui appartient à ses parents. Reste la question des déplacements, de l’électricité, du matériel médical et du téléphone. Selon ses estimations, le cabinet lui coûte environ 300 euros par mois alors qu’il touche moins de 350 euros sur la même période. « Pour le moment, je suis seulement une centaine de patients âgés de 30 à 50 ans et l’assurance maladie me verse 3 euros par mois pour chacun. Ce que je gagne couvre à peine mes dépenses mais je me vois mal changer de vie car c’est celle que j’ai choisie ».
Alors, pour séduire de nouveaux patients et augmenter ses revenus, « il Dottore » comme disent les Siciliens, est toujours là. Son contrat avec l’assurance maladie prévoit un temps de travail de cinq jours de cinq heures par semaine ? Il est sur le pont plus de vingt heures, effectue des visites à domicile et ne débranche jamais son téléphone portable. Même lorsqu’il s’entraîne dans la salle de sport ou qu’il fait du volontariat pendant les concerts, les foires et les événements organisés par les communes de la ceinture d’Acireale. « Je n’ai pas le choix et puis, pour réussir, un médecin doit avoir trois qualités : être disponible, patient et empathique », assure le Dr Pulvirenti. Vaste programme !
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