À quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle, l’intersyndicale des Libéraux de santé*, dont font partie les syndicats de médecins la CSMF et le SML, a présenté mercredi 30 mars son projet de loi santé pour le prochain quinquennat. Conviés dans l’hémicycle du Conseil économique, social et environnemental (CESE), les conseillers santé des principaux candidats à l’élection présidentielle ont été interrogés sur leur programme. Un symbole, alors que la guerre en Ukraine et le pouvoir d’achat préoccupent les Français, reléguant la santé au second plan.
Sébastien Guérard, président des Libéraux de santé et de la Fédération française des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR) a reconnu en introduction que le CESE, troisième assemblée de la République, « n’a pas été choisi par hasard », car, plus qu’un symbole, il dit les syndicats « attachés au dialogue ». Il faut, pour lui, « un projet écrit collectivement », pour « améliorer la vie et l’espérance de vie en bonne santé et rendre le patient acteur de sa santé ». C’est enfin, le moment, pour le kinésithérapeute, car « depuis 10 ans, il ne s’est rien passé pour les soins de ville », a-t-il déploré.
Continuer à travailler ensemble
Dans son discours de « grand témoin » de l’événement, Gérard Raymond, président de France Assos Santé a souligné « l’importance historique de ce moment ». Représentants des candidats à la présidentielle, syndicats Libéraux, parlementaires et société civile étaient réunis dans l’enceinte de la troisième chambre de la République. Alors, il faut « continuer à travailler ensemble », a invité Gérard Raymond, développant les grands enjeux de demain : équipes de soins coordonnées avec le patient (et pas autour), régulation des professionnels de santé, forfaitisations, numérique en santé… Le représentant des patients appelle à un « Ségur, Grenelle, États Généraux » de la Santé ; soit un grand débat, lequel doit « déboucher sur une médecine plus humaniste et redonner du sens aux soignants et de la confiance aux patients. »
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C’est également ce que propose le président-candidat Emmanuel Macron (En Marche), représenté par le Dr François Braun, président de Samu-Urgences de France. « Au lendemain de l’élection, nous mènerons une grande concertation avec tous les acteurs », a-t-il promis lors de son audition, rappelant le « bien commun », qu’est la santé. « Partir des besoins du terrain, être plus humain, global et à l’écoute, pour définir les priorités de santé », a-t-il développé. Mais le praticien a mis en garde : « il n’y a pas de solution miracle, ainsi nous mettrons à disposition des territoires une boîte à outils qu’ils utiliseront pour répondre à leurs besoins ». La régulation à l’installation « est sur la table », a-t-il également annoncé. Au niveau du calendrier, le médecin urgentiste a avancé qu’à la fin de l’année 2022 seraient formulées les conclusions de la concertation. Aussi, une « task force » missionnée pour six mois aura comme objectif « d’évaluer la bureaucratie » à Ségur, pour simplifier le système.
Sortir des politiques hospitalo-centrées
Béchir Saket, qui représentait Yannick Jadot (Europe Écologie-Les Verts) a appelé à « sortir de l’hospitalo-centrisme », lui aussi voulant « tirer des conclusions de la crise sanitaire », laquelle a démontré, selon lui, à quel point « les libéraux étaient utiles et essentiels ». L’écologiste a proposé notamment de reconnaître « le droit à la santé dans la constitution, ce qui empêcherait le conditionnement des actes à des logiques budgétaires. » Sur la régularisation à l’installation – à laquelle il n’est pas favorable personnellement – Béchir Saket a proposé un argumentaire à l’assemblée a priori hostile à cette idée : « Sommes-nous sur une mission de service public ? Ne pourrait-on pas s’adapter au besoin de l’État sur une période courte de 10 ans et avoir une obligation d’installation sur deux ou trois ans… Ce qui n’empêche pas de recruter des assistants médicaux et de développer la télémédecine ? »
Du côté du Dr Bernard Jomier, médecin généraliste, sénateur de Paris et référent santé d’Anne Hidalgo (Parti socialiste), il faut « apprendre les leçons de la pandémie » et « changer de paradigme », notamment sur l’Ondam. Il défend, comme Dr Braun, l’idée qu’il faut partir des besoins et priorités de santé de chaque territoire. Pour représenter Valérie Pécresse (Les Républicains), le Dr Alain Milon, sénateur de Vaucluse, vice-président de la commission des affaires sociales n’a pas pu se rendre à l’événement. Sa présentation a néanmoins été lue. Revalorisation des actes, soins coordonnés, opposition aux mesures coercitives en zones sous-denses, mieux rémunérer les maîtres de stage… le programme de sa candidate a été détaillé dans les grandes lignes.
Supprimer les ARS
Le Dr Alain Durand, chirurgien-dentiste et conseiller santé d’Éric Zemmour (Reconquête !), a lui pesté contre les « y a qu’à, faut qu’on » et le fait d’entendre « on va faire une grande concertation… c’est insupportable ! » Il s’est positionné en faveur de la suppression des ARS, selon lui pas proches des réalités, souhaitant plus de pouvoir pour les préfets. Contre la coercition, le praticien s’est également dit en faveur d’un conventionnement préférentiel avec des prestations et honoraires supérieurs pour les zones désertifiées. Comme le Dr Braun, il s’est également dit favorable à un ministère regroupant l’agriculture, l’écologie et la santé, avec des passerelles avec celui des sports, de l’éducation et des finances.
Dernier à passer sur scène, le Dr Patrick Barriot, référent santé de Marine Le Pen (Rassemblement national), a appelé ses confrères à se « libérer du carcan bureaucratique » et supprimer les ARS, symbole pour lui de la technocratie en santé. Parlant de « pertinence des soins », le praticien est contre l’Ondam et également hostile aux mesures coercitives, mais favorable aux « extensions du domaine de compétences ». Un des grands enjeux est pour lui est le numérique ; alors Mon Espace Santé devrait selon lui « disposer d’un moteur de recherche efficient » pour aller plus vite. Le Dr Barriot estime lui aussi qu’un Grenelle de la Santé est « nécessaire et urgent ».
*dont font partie les CDF, la CSMF, la FFMKR, la FNI, la FNO, la FNP, la FSPF, le SDA, le SDB, le SML et le SNAO
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