Éditorial

Aux forceps

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Publié le 15/04/2019
Jean Paillard

Jean Paillard
Crédit photo : S. Toubon

Il y a dans ce dossier une telle part d’affect qu’il est bien difficile d’y réfléchir posément. Les faits pourtant parlent d’eux-mêmes. Depuis 1996, l’Hexagone a perdu près de la moitié de ses maternités. Et ce n’est pas fini : dans l’Eure, l’Indre, l’Oise ou le Haut-Rhin les restructurations se poursuivent. Le mouvement pourrait même s’accélérer à la faveur de la réforme en cours. À chaque fois, les élus locaux sont prompts à dénoncer une logique économique orchestrée par la main avide du régulateur. L’argument fait mouche. Une tête de liste aux Européennes ayant même fait de son « tour de France des maternités » un des axes phares de sa campagne ! De son côté, Agnès Buzyn jure que pas un établissement ne sera fermé pour raison financière. Et c’est globalement vrai. Les déclassements interviennent soit pour cause d’activité insuffisante (le fameux seuil des 300 accouchements par an), soit du fait d’une pénurie médicale qui s’aggrave, faute d’anesthésistes ou d’obstétriciens en nombre suffisant.

Las ! Sur ce terrain, la ministre peine à convaincre, en butte à une telle charge émotionnelle que plus aucun argument ne semble y résister. Comme si l’abandon des maternités signait la mort d’un territoire, l’état civil ne servant plus dès lors à comptabiliser que des décès… En réalité, la problématique signe une fracture territoriale qui se cristallise dans l’accès aux soins. Ces dernières années, des faits divers tragiques – qui se sont soldés par la naissance de bébés mort-nés loin d’une maternité — sont venus rappeler que, décidément, les Français n’étaient pas égaux devant la santé. La ministre semble l’avoir bien compris, qui promettait au début du mois un « engagement maternité » pour assurer à chaque parturiente la possibilité d’accoucher en toute sécurité, avec une prise en charge médicale, hôtelière et financière adaptée. Le jeu en vaut la chandelle. Mais pour imposer cette logique, elle va devoir donner des gages rapidement.

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin: 9741