« Ce Ségur de la santé ne ressemble à rien, les libéraux sont laminés », s'agace le Dr Hamon (FMF)

Par
Publié le 19/06/2020
Article réservé aux abonnés
Dr Jean-Paul Hamon

Dr Jean-Paul Hamon
Crédit photo : GARO/PHANIE

Optimiste à l'ouverture du Ségur de la santé, le Dr Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMF), a rapidement déchanté. Le généraliste, qui plaide notamment pour l’instauration d’une « réelle collaboration entre la ville et l’hôpital » et un réel investissement pour la médecine libérale, juge « désastreuse » l’organisation du Ségur et déplore l'orientation exclusivement hospitalière de la concertation. « Je ne sens pas le souffle de la réforme », nous confie-t-il.

À mi-parcours, quel bilan tirez-vous de ce Ségur de la Santé ?

Dr Jean-Paul Hamon : Le bilan est plutôt catastrophique. Je suis très déçu de l’organisation de cette concertation, avec des ateliers modifiés la veille pour le lendemain, par exemple. La discussion est pour le moment très centrée sur l'hôpital. Peu de problèmes évoqués lors de ce Ségur concernent la médecine libérale. On n’entend pas parler de financement de la ville alors que ce devrait être un sujet essentiel. Je ne sens pas le souffle de la réforme. Le gouvernement essaie de gagner du temps. Ce Ségur est une consultation comme celle menée après la crise des « gilets jaunes ». A la fin, il y aura une synthèse mais cela ne débouchera sur rien, hormis une augmentation de salaire pour les aides-soignantes et les infirmières – ce qui est tout de même une bonne chose. Pour le reste le gouvernement ne veut pas mettre les moyens, comme en témoigne l’Ondam pour 2021 qui devrait être à 2,5 % (soit le même niveau qu'en 2019, ndlr), selon les documents qui nous ont été présentés cette semaine en commission des comptes de la sécurité sociale. Tout cela ne sent pas très bon…

Concrètement, comment se déroulent les différents ateliers ?

Dr J.-P. H : Ils sont longs et absolument insupportables. Ce sont des successions de déclarations des uns et des autres. Les libéraux sont complètement isolés dans ces réunions qui regroupent une quarantaine de personnes en présentiel, sans compter celles en visioconférence. On dirait que tout est fait pour décourager les libéraux. Alors que nous avions demandé d’éviter les réunions le vendredi, nous en avons désormais tous les vendredis. C’est une curieuse notion du dialogue social.

La répétition des ateliers fait que nous n’avons pas les moyens d’être présents en permanence. Il aurait fallu que ce Ségur se tienne sur une durée plus concentrée. Là, ça ne ressemble à rien, nous ne nous sentons pas écoutés.

Vous étiez pourtant relativement optimiste avant l'ouverture de ce Ségur…

Dr J.-P. H : Après la pandémie historique que nous venons de connaître, je pensais vraiment que le gouvernement allait entreprendre quelque chose. C’était une chance historique de réformer le système de santé en remettant massivement de l’argent sur la table pour la ville et l’hôpital. Olivier Véran avait l’air à l’écoute. Mais la frilosité de ce gouvernement, la composition des ateliers et la façon dont nous sommes traités ne me rendent franchement pas optimiste.

Est-il réaliste d'espérer des investissements pour la ville alors que les comptes sociaux ont plongé dans le rouge ?

Dr J.-P. H : Certes, le déficit de la Sécu atteint 52 milliards d'euros, mais ce ne sont pas cinq milliards de plus ou de moins qui vont changer la vie des Français ! Ce Ségur est l’occasion de réformer notre système de santé et de faire en sorte que les soignants soient plus heureux dans leur travail, mieux rémunérés… Et en réorganisant vraiment, on pourrait en plus faire des économies ! Mais le gouvernement ne veut pas le comprendre, il reste bloqué sur l’hôpital. C’est assez insupportable d’entendre qu’il faut investir en augmentant le nombre de lits alors qu’on ne pense pas justement à éviter les hospitalisations. Je ne participe pas à toutes les réunions de ce Ségur pour entendre ça ! Le « jour d’après », parti comme ça l’est, va ressembler au monde d’avant… en pire ! Car rien n’est prévu pour l’heure pour favoriser les installations et donner les moyens aux médecins d’accueillir correctement leurs patients.

A l'hôpital, la contestation a repris. Les syndicats de médecins libéraux vont-ils faire front commun ?

Dr J.-P. H : Pour le moment, nous ne nous sommes pas encore mis d'accord mais je pense qu’il va falloir qu’on organise un « Ségur de la ville ». Les libéraux doivent impérativement s’unir car on est en train de se faire laminer.

Qu’attendez-vous de la seconde partie de la concertation ?

Dr J.-P. H : Si le gouvernement décide vraiment de nous écouter, tout n’est pas perdu. C’est pour cela que je n’ai pas claqué la porte, comme certains me l’ont réclamé. Emmanuel Macron a dit dimanche lors de son allocution qu’il investirait à la fois sur la ville et l’hôpital. C’est bien la première fois que je l’entends dire cela. Alors, peut-être que cela va changer. Mais pour l’instant, c’est mal barré !


Source : lequotidiendumedecin.fr