Quinze années d’expérimentations, de protocoles, de modifications réglementaires ont convaincu la Haute Autorité de santé (HAS) : les pouvoirs publics doivent « franchir un nouveau cap » dans la coopération et les partages de tâches entre professionnels de santé. L’institution, dans un avis publié mi-mars, met les pieds dans le plat : pourquoi se priver davantage d’une pratique qui satisfait soignants, patients et qui a fait ses preuves thérapeutiques ?
La HAS égrène la liste des expériences innovantes associant médecins, infirmiers, pharmaciens et autres soignants intégrés dans une démarche de soins en équipe. On compte 57 protocoles nationaux de coopération qui ont bénéficié en 2022 à 400 000 patients. Quelque 600 millions d’actes ont été délégués. En tête de gondole : les radiologues et les manipulateurs en électroradiologie médicale, habitués à collaborer de longue date sur la lecture d’échographie.
Ce résultat sur les protocoles est « remarquable », note la HAS. Seuls 0,12 % d’évènements indésirables ont été rapportés, aucun cas grave (EIG) n’est à déplorer, et la satisfaction des professionnels impliqués « se révèle dès aujourd’hui acquise ». La Haute Autorité regrette toutefois leur hétérogénéité (certains s’appliquent à quelques dizaines de patients, d’autres à des milliers) et leur petit nombre, même en y ajoutant les 106 protocoles locaux autorisés. En cause : la suradministration et des obstacles financiers. Validé en mai 2022 par la HAS, le protocole médecins-infirmiers pour la prise en charge des patients âgés ou en situation de handicap à domicile attend toujours sa rémunération.
Cette double contrainte se retrouve aussi sur les pratiques avancées des infirmiers, qui souffrent en sus d’un nombre trop réduit de compétences partagées pour vraiment décoller. L’État souhaitait 5 700 IPA diplômés en 2027. Entre 2018 et 2022, ils sont 1 718 à être sortis de l’école.
Facteurs bloquants
Face à ce constat, la HAS réclame un « puissant changement de logiciel ». Question de cohérence : le politique ne peut pousser à développer le travail en équipe entre soignants si le système de santé ne donne pas à ces derniers les outils pour collaborer sereinement.
Premier point prioritaire : simplifier « la vie administrative » des protocoles. Comment ? En aménageant les procédures sur la base d’un cahier des charges national élaboré par l’autorité sanitaire et distribué aux agences régionales de santé (ARS). Gain de temps évident avec des « garanties de sécurité et de qualité conservées », argumente l’institution. Les ARS auraient d’ailleurs tout intérêt à soutenir davantage les professionnels volontaires. Lorsque c’est le cas, comme en Nouvelle-Aquitaine, en Occitanie ou en Île-de-France, le succès des protocoles est au rendez-vous.
L’épine du financement, trop souvent fichée dans le pied des équipes soignantes, doit être supprimée. « La rémunération à l’acte bloque le développement des coopérations », tacle sans fard la HAS. Solution : créer un « forfait de coopération suffisamment valorisant pour tous ». À charge pour les syndicats d’en négocier les contours, ce qui réclamerait à la Cnam de réouvrir des négociations pluriprofessionnelles afin d’obtenir un avenant à l'accord conventionnel interprofessionnel (ACI) de 2017. À charge aussi pour les professionnels impliqués dans la collaboration « de faire leur affaire de la répartition ».
Au final, les collaborations « méritent d’être développées parce qu’elles assoient la crédibilité du virage ambulatoire choisi par notre pays », conclut par un argument aussi politique qu’économique l’autorité.
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