Pour la sénatrice Chantal Deseyne (LR), corapporteure avec Solanges Nadille (RDPI) et Anne Souyris (écologiste) de la mission d’information sur la situation financière des Ehpad, le constat est « catastrophique », puisque le nombre d’établissements publics et privés non lucratif en déficit « a triplé » en trois ans. Plus de 66 % des Ehpad (tous statuts) étaient déficitaires en 2023 et la situation s’est encore nettement aggravée depuis, insiste le rapport.
Ni le fonds d’urgence débloqué par le gouvernement en juillet 2023 pour les établissements et services médico-sociaux et doté de 100 millions d’euros – dont 80 % ont bénéficié aux Ehpad -, ni l’augmentation en 2024 de la valeur du point pour le calcul de la dotation « soins », ni même l’enveloppe de 650 millions d'euros allouée par la ministre déléguée aux personnes âgées Fadila Khattabi en avril dernier n’ont apporté de recettes suffisantes, dans une conjoncture inflationniste.
Un modèle à bout de souffle
« C’est tout le modèle de financement et de pilotage qui doit être réinterrogé, avance Philippe Mouiller (LR), président de la Commission des affaires sociales du Sénat. Le gouvernement est sensibilisé à l’urgence d’une réponse rapide mais il faudra aussi intégrer les nouveaux besoins du secteur, qui seront supérieurs en 2025 à ceux de 2024, et trouver à terme cinq milliards d’euros supplémentaires. »
Pour relever le double défi d’assainir rapidement la situation financière des Ehpad et de mener une réforme structurelle du secteur, la mission a identifié plusieurs propositions dont deux ont créé de vifs désaccords au sein des sénateurs mais ont le mérite de relancer le débat.
Ainsi, l’instauration d’une deuxième journée de solidarité pour financer la branche autonomie – qui pourrait rapporter 3,3 milliards d’euros par an – a divisé : cette proposition de nouvelle source de financement portée par les rapporteures Chantal Deseyne (LR) et Solanges Nadille (RDPI) « ne nous semble pas une solution convenable car elle est injuste et fait peser le financement uniquement sur les salariés », estime à l’inverse le groupe écologiste du Sénat.
Deuxième piste clivante : la création d’une assurance dépendance « obligatoire », là aussi envisagée, ne serait pas « fiscalement juste » pour la sénatrice Anne Souyris. En revanche, le groupe écologiste propose d’ouvrir le débat sur des mesures de « justice fiscale » pour financer les Ehpad, comme une faible augmentation de la CSG ou une imposition plus stricte sur les successions.
Fusion des sections tarifaires
Plus consensuel est l’appel à mettre un terme au financement des Ehpad par les trois sections tarifaires. Un pas a déjà été franchi avec l’expérimentation dès 2025 par 26 départements de la fusion des sections soins et dépendance. Mais le rapport sénatorial propose d’aller plus loin en intégrant dans cette nouvelle dotation unifiée certaines dépenses (relevant par exemple de la prévention) qui figurent aujourd’hui dans la troisième section, celle de l’hébergement.
La coupe Pathos – outil permettant de déterminer les budgets de la section soins des Ehpad – a également été remise en question. « Pour calculer l’enveloppe de soins, un médecin évalue en “minutes par semaine” les besoins médicaux et paramédicaux du résident. C’est une procédure bureaucratique, inefficace et inhumaine », a déploré Chantal Deseyne (LR), avant de plaider pour un processus d’évaluation collective des besoins de soins des résidents ou pour une auto-évaluation avec un contrôle des agences régionales de santé (ARS). Toujours dans le domaine du soin, le rapport préconise la généralisation du tarif global avec une indexation sur l’inflation.
Ratios d’encadrement et sauvetage des Ehpad ultramarins
Les ressources humaines n’ont pas été oubliées dans le rapport avec la piste réactivée du ratio d’encadrement minimum. Mesure phare, la préconisation d’aller vers un taux d’encadrement de huit professionnels pour dix résidents (Anne Souyris propose même de rendre cette mesure impérative d’ici 2030-2034).
Autres propositions : mobiliser davantage les leviers de la « rémunération, de la formation et de la qualification » des métiers, sans oublier l’amélioration des conditions de travail et une meilleure reconnaissance des infirmiers coordonnateurs.
Au-delà, deux propositions visent à s’attaquer à la fracture territoriale : la première consiste à positionner l’Ehpad comme un « vecteur d’aménagement du territoire » avec l’ouverture au sein des établissements, de services publics ou de première nécessité, notamment dans les milieux ruraux dévitalisés ; la seconde mesure serait de mettre en place un « plan de rattrapage, voire de sauvetage » pour les territoires ultramarins, avec un développement massif des places habilitées à l’aide sociale et le recrutement de personnels soignants.
L’établissement du 21e siècle ?
Trois axes sont enfin proposés pour faire entrer les Ehpad dans le 21e siècle : la rénovation de l’architecture avec la généralisation d’une taille minimale de chambre de 26 m²; un plan de rénovation thermique des bâtiments financé par une extension du Fonds vert et soutenu par la création d’une foncière nationale ; et enfin la structuration du marché des gérontotechnologies.
Si plusieurs propositions « relèvent d’une loi grand âge promise depuis plusieurs années », Chantal Deseyne a déjà indiqué qu’elle porterait des amendements issus de ces travaux du Sénat lors du débat parlementaire sur le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).
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