Nommé début février ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention, Frédéric Valletoux a exercé pendant près de 17 ans les fonctions de maire de Fontainebleau (Seine-et-Marne). Mandat durant lequel il a mené de nombreuses actions en santé dans sa ville… sans pour autant faire l’unanimité.
Fontainebleau, 16 000 habitants ; son château, sa forêt, son église… et son ancien maire, devenu ministre délégué à la Santé en février. Frédéric Valletoux a occupé la fonction d’édile des Bellifontains de 2005 à 2022 avant de devenir député (Horizons). S’il n’est pas toujours aisé d’imprimer sa marque sur la santé en tant que maire, le passionné d’histoire et de jazz désormais locataire de Ségur a pu s’appuyer, dans sa ville impériale, sur une offre de soins conséquente : une maison de santé universitaire (MSP-U), un hôpital, un Ehpad, un centre de prévention, une maison du bien vieillir, une autre des adolescents, une association sport-santé ou encore un centre médico-psycho-pédagogique… Largement de quoi tracer son sillon et roder son discours sur les questions qui relèvent aujourd’hui de son portefeuille ministériel.
Pour moi, il était très important de travailler avec l’ensemble des professionnels de santé sur mon territoire
Frédéric Valletoux
Fontainebleau, petit laboratoire de la méthode Valletoux ? L’ancien journaliste insiste sur sa volonté de rassembler. « Pour moi, il était très important de travailler avec l’ensemble des professionnels de santé sur mon territoire, confie Frédéric Valletoux au Quotidien. Si un maire n’a pas de compétence particulière en santé, il peut réunir les bonnes volontés, parler de projets aux acteurs, les convaincre, puis les fédérer et mettre en avant qu’il est le représentant de l’intérêt général dans la ville. »
« Il a toujours été aidant mais… »
« Sachant que la Seine-et-Marne est un désert médical, Fontainebleau n’est pas la zone la moins dotée », contextualise l’hyperactive Célia Bibollet-Bonin, infirmière coordinatrice de la MSP universitaire et présidente de la CPTS Sud 77, lancée en 2016. C’est pour cette dernière fonction qu’elle avait reçue des mains de Frédéric Valletoux une médaille de l’Assemblée nationale fin janvier. Une récompense marquant son engagement et la bonne entente avec l’ancien maire ? « Il a toujours été aidant, répondant présent quand on le sollicitait, mais il s’est toujours tenu à distance », raconte-t-elle au Quotidien. La CPTS locale a prospéré avec 52 généralistes, 38 infirmiers, 36 pharmaciens, 31 orthophonistes, 16 kinés ou encore 14 établissements, services ou structures sanitaires.
Au sein de la maison de santé universitaire, les professionnels de santé reçoivent des étudiants – environ cinq internes de médecine générale par semestre – et les praticiens donnent des cours à l’Université Paris-Est Créteil (Upec). Là aussi, la construction s’est opérée en bonne intelligence avec la mairie. La généraliste cheffe de projet, la Dr Sophie Brossier, explique que la « coordination efficace entre les élus, l’hôpital et les libéraux » a permis de mener à bien des actions de santé et de renforcer l’attractivité du territoire. Car, poursuit-elle, « on s’installe là où on se forme ».
La coordination efficace entre les élus, l’hôpital et les libéraux a permis de mener à bien des actions de santé et de renforcer l’attractivité du territoire
Mais le leader LR de l’opposition Cédric Thoma n’est, lui, pas convaincu par ce projet, qui a coûté autour de 40 000 euros à la commune. « Cette maison de santé n’a rien apporté ! Dans l’idée, sa mission était intéressante : être une passerelle entre l’hôpital et la médecine de ville, comme une forme de SAS pour éviter que les patients n’engorgent les urgences. Dans les faits, elle n’est ouverte ni le soir, ni le week-end. » Une critique que tempère le désormais ministre de la Santé. « La MSPU joue le jeu du secteur 1, prend des patients en soins non programmés et attire des internes, défend Frédéric Valletoux. De plus, elle a permis de mettre en place, avec la CPTS, l’un des centres de vaccination les plus performants lors de l’épidémie de Covid-19. Bref, elle fonctionne bien ! » Et elle serait la deuxième structure de ce type à avoir été créée en France, après celle de Coulommiers, dont il confie s’être inspiré…
Sport-santé et « médecins-mercenaires »
La municipalité revendique aussi de s’être mobilisée fortement pour la prévention. L’association Fontainebleau Sport-Santé (FSS), initiative s’inspirant de celle menée à Biarritz et faisant partie du dispositif « sport sur ordonnance », a vu le jour dès 2017. Une réussite pour tous les acteurs, y compris l’opposition. En 2019, le maire Frédéric Valletoux, l’agence régionale de santé (ARS) et la direction régionale de la cohésion sociale ont labellisé la commune comme centre de référence-ressources dans le cadre sport-santé en Seine-et-Marne. Alors Fontainebleau, capitale du sport-santé ? « Cette structure fonctionne bien, comme toutes celles montées en France, mais je n’en fais pas une référence nationale », nuance le Dr Marc Rozenblat, président du Syndicat national des médecins du sport-santé, qui précise qu’il existe neuf structures de ce type dans le département.
Maire, député, mais également patron de la FHF, le puissant lobby hospitalier, Frédéric Valletoux a imprimé sa marque dans les médias, au risque de déplaire aux praticiens de son propre bassin de vie, lesquels ont parfois mal vécu ses déclarations directes sur les libéraux. Installée pourtant depuis 27 ans, la généraliste Delphine Dupond a quitté son activité libérale fin octobre 2023 pour exercer en tant que salariée, « dégoûtée du mépris des politiques, dont celui de Frédéric Valletoux et sa loi éponyme ». Quelques mois auparavant, elle l’avait rencontré dans son cabinet médical, situé à Héricy, commune voisine de Fontainebleau. « Nous avons halluciné lors de cette entrevue, raconte-t-elle. Trouvant inadmissible que certains médecins ne consultent que trois jours par semaine, il nous a dit qu’il fallait que nous travaillions plus ou que nous déléguions aux IPA. Que c’était ainsi, qu’il n’y avait pas le choix ! » Dans La République de Seine-et-Marne, Frédéric Valletoux a commenté le 7 septembre le départ de certains médecins qui « partent pour devenir salariés et rejettent la faute sur moi ! (…) Ce sont des médecins mercenaires qui vont là où cela les arrange et pas pour l’intérêt général. »
Début février, pour sa première visite ministérielle officielle sur son territoire en tant que ministre, Frédéric Valletoux a choisi de visiter la « petite sœur » de la MSP-U de Fontainebleau, celle du pays de Nemours, ouverte depuis 2018. Un signal à la médecine de ville et la preuve que l’initiative municipale en santé a de l’avenir ?
Un centre de prévention avec de la médecine non conventionnelle
Une initiative privée intrigue sur le territoire du ministre : le « centre de prévention santé de Fontainebleau », ayant vu le jour en 2021, imaginé par la généraliste Georgia Guedj, qui n’a pas souhaité s’exprimer. Célia Bibollet-Bonin, à la tête de la CPTS, reste également évasive sur cette structure. « Nous n’avons pas de contact professionnel, nous ne travaillons pas ensemble », lâche-t-elle, précisant que ce centre s’est ouvert « avec les autorisations institutionnelles ». Sur les plaques à l’entrée, autour de la seule généraliste, on trouve, notamment, une naturopathe, une « spécialiste en shiatsu » (pratique de médecine non conventionnelle japonaise), une « art-thérapeute » et des psychologues. Interrogé à ce sujet, Frédéric Valletoux affirme que la Dr Guedj participe, en tant que généraliste, à l’offre de soins de ville, mais concède que les autres professionnels autour d’elle agissent plutôt en tant que spécialistes du « bien être » voire du « confort » mais pas de la prévention. Comme quoi, il ne faut pas toujours juger un centre à son nom !