LE QUOTIDIEN : Vous proposez de créer un « Airbus du médicament ». Pouvez-vous expliquer ?
GUILLAUME LACROIX : C’est le premier point de notre programme. Ce qui nous permet, en tant que liste de centre gauche proeuropéenne, de parler d’Europe du médicament et plus largement de la santé. Et ce, face à une défiance venant du fait que l’Europe n’est pas au rendez-vous des crises. Je vous en cite une : les pharmacies de la première puissance mondiale européenne — la France — n’ont plus systématiquement d’amoxicilline, de paracétamol ou encore de traitements contre le diabète ou le cancer.
Si l’on veut parler d’Europe de façon concrète, il faut entrer par ce type de sujet. Nous proposons donc un « Airbus du médicament ». Concrètement, le modèle d’Airbus marque une volonté de donner des moyens pour favoriser la recherche et la production en aéronautique sur le territoire européen, ainsi que la possibilité de déposer des brevets européens. Le tout, en assouplissant les règles fiscales et de concurrence pour produire à moindre coût. Si l’on copie-colle le modèle d’Airbus aux médicaments, nous garantirons des prix bas et nous créerons de l’emploi. Nous pouvons alors envisager la production de nouvelles molécules en commun, à l’échelle européenne et rapatrier les principes actifs qui ont été délégués à d’autres continents hors de l’Europe.
Quatorze associations (patients, soignants, recherche) ont lancé un appel le 13 mai pour garantir l’accès et maîtriser les prix des médicaments, mais également plus de transparence…
Je suis heureux que ceux qui sont le plus concernés le disent d’abord ! J’ai d’ailleurs relayé cet appel. Cela étant dit, sur la transparence, quand vous créez un dispositif encadré, comme celui d’Airbus, l’institution européenne a un droit de regard. Aujourd’hui, il existe une absence totale de transparence sur le coût, le prix et surtout la marge des entreprises pharmaceutiques.
La rémunération des médecins est faible comparée à leur niveau de connaissance et de technicité
Guillaume Lacroix
Croyez-vous que les États européens devraient travailler davantage ensemble sur la santé, comme lors de la crise sanitaire ?
L’Europe a su gérer quelques dossiers lors du Covid-19, comme l’acheminement des vaccins, avec un peu de retard quand même au départ… Mais, clairement, les États doivent mieux coopérer de façon générale, parfois par petits groupes quand c’est utile — on ne peut pas empêcher une Europe à deux vitesses. En santé, cela pourrait se matérialiser pour lutter contre les déserts médicaux ou pour mieux coordonner les enseignements et les diplômes européens.
La France est-elle assez compétitive pour à la fois garder ses médecins et en faire venir de l’étranger ?
Il y a selon moi deux sujets : d’une part la rémunération des médecins et d’autre part leur mode de vie. Ce que je constate, c’est que beaucoup de jeunes médecins ne comptent pas passer 70 heures en cabinet comme leurs aînés. Mais le premier enjeu à gérer est : comment constitue-t-on techniquement l’offre médicale ? Ce n’est plus possible de faire reposer toute l’offre de soins sur les médecins.
Sur leur rémunération, je pense qu’elle est faible, comparée à leur niveau de connaissance et de technicité. Il existe un vrai problème de reconnaissance. Mais derrière cette question, se pose aussi celle de la spécificité de la Sécurité sociale, avec des équilibres à chercher. Le premier sujet étant, selon moi, de rediscuter la part de notre système social que l’on souhaite attribuer à la rémunération des médecins.
Le chantier en santé devant nous est colossal et effraie beaucoup de responsables politiques
Guillaume Lacroix
Une consultation à 30 euros, vous en dites quoi ?
Ça ne me choque pas… Ce n’est même pas assez ! Mon médecin généraliste, de campagne, m’a dit il y a quelques jours : « Vous allez me payer 26,50 euros. Le technicien qui a changé l’antenne sur mon toit m’a pris 50 euros… Rien que pour le déplacement ! » La question de la rémunération est centrale, car elle relève de l’importance sociale du médecin et de sa plus-value. Nous avons trop banalisé le fait qu’on ait accès à un médecin… Je vois aussi que certaines collectivités les financent elles-mêmes.
La santé est toujours dans les enquêtes d’opinion l’une des trois principales préoccupations des Français. Pourtant, elle est peu discutée par les politiques. Pourquoi ?
Parce que le chantier devant nous est colossal et effraie beaucoup de responsables politiques. Quand on parle de rémunération des médecins, se pose ensuite la question de l’installation, de la formation ou encore de l’accueil d’autres médecins étrangers… Ce sont des problèmes qui sont certainement plus importants qu’il y a trente ans et qu’on a laissé en jachère. Les médecins et, plus particulièrement, les généralistes, ont tenu la boutique, mais maintenant, ils vont partir à la retraite et les jeunes praticiens n’ont plus les mêmes aspirations de vie.
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