Présidentielle 2022

La CSMF veut garantir la qualité de prise en charge de tous les Français

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Publié le 24/02/2022
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Dans une conférence de presse organisée à distance jeudi 24 février, le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, a évoqué les grands enjeux à venir : l’élection présidentielle et la prochaine convention médicale. Et le syndicat a des idées pour changer la donne en ville.

Crédit photo : GARO/PHANIE

Non-heureux du bilan santé du quinquennat, le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, a convié les journalistes jeudi 24 février à une conférence de presse à distance. Le néphrologue catalan a présenté son programme « Ma santé 2022-2027 », à l’aube de l’élection présidentielle et de la prochaine convention médicale. Après ses 10 propositions pour 2022, la CSMF revient à la charge pour donner sa vision des enjeux à venir lors du prochain quinquennat.

Filant la métaphore guerrière dans un contexte mondial déstabilisé, le Dr Ortiz a d’abord rappelé ces « deux années de durs combats » sous le signe du Covid-19, lesquelles ont « épuisé les médecins montés au front ». Ces derniers souffrent donc d’un manque de reconnaissance, s’exprimant notamment selon lui par le fait qu’ils sont « ignorés des concertations ». C’est donc selon le praticien, « une crise majeure ».

3,5 % de baisse de revenus pour les MG

L’argument financier est lui aussi avancé : les revenus des libéraux ont chuté de 6 % en moyenne en 20203,4 % pour les généralistes« alors que d’autres catégories socio-professionnelles ont été accompagnées dans le programme "quoiqu’il en coûte" », précise-t-il.

Si l’on ajoute à cela les chiffres des contrepoints de la santé (enquête BVA), à savoir, 37 % des Français rencontrent des difficultés à prendre un rendez-vous chez un généraliste et 52 % chez un spécialiste…, le tableau brossé n’est définitivement pas positif. Surtout lorsque « des mauvaises solutions » sont avancées : mettre fin à la liberté d’installation, modifier les contours de métiers, ajouter de l’argent à l’hôpital public sans réforme du système de santé…

Une campagne présidentielle « flasque »

Alors, face à cette « campagne présidentielle très flasque, qui ne passionne pas les Français », bien que la santé soit leur deuxième préoccupation, la CSMF a décidé de « mettre sur la table un programme présidentiel pour les années à venir », fruit d’un travail interne du syndicat.

L’objectif est simple : « permettre à tous les Français, quelle que soit leur catégorie sociale, quel que soit leur lieu de vie, d’accéder à des soins partout, mais d’accéder à des soins de qualité ». Le Dr Ortiz ne veut pas « d’officiers de santé type infirmiers de pratique avancée pour les zones sous-denses et des docteurs en médecine pour les grandes villes ; il faut inverser la logique ! » Le praticien propose donc cinq axes de réflexion pour garantir la qualité de prise en charge de tous les Français.

PDSA le samedi matin

Le premier concerne la « mise en place d’une gradation dans l’organisation du système de santé ». En effet, raconte le néphrologue, l’hôpital est accessible « à tout moment et pour n’importe quelle raison ». Or, selon lui, il faudrait que la médecine de ville soit « la porte d’entrée pour les soins », ce qui permettra de « désengorger les urgences » en prenant en charge les premiers recours et deuxième recours, notamment par le biais de la permanence des soins ambulatoires (PDSA) – dont le Dr Ortiz souhaite intégrer le samedi matin.

Le Service d’accès aux soins (SAS), en journée, doit permettre « une valorisation de 15 euros par acte ». Il en est de même pour « la majoration d’urgence pour le médecin spécialiste sollicité », dans un délai maximum de cinq jours, au lieu de 48 heures actuellement. En bref, « il faut arrêter ce système open bar d’accès aux urgences hospitalières si spécifique à la France », s’agace le Dr Ortiz.

Créer des actes de prévention

Le deuxième point concerne la prévention. Le président de la CSMF porte l’idée de « créer des actes de prévention » notamment « en développant une consultation longue de prévention » à différents moments de vie. Au sujet du financement, le Dr Ortiz juge que ces consultations de prévention « pourraient être largement financées si elles étaient couplées à des consultations d’observance ».

Troisième point : l’innovation et l’utilisation du numérique, lesquels devraient être « au cœur des évolutions du système de santé » pour le premier syndicat de libéraux. Après avoir critiqué « Mon espace santé » et le Dossier médical partagé (DMP), le Dr Ortiz défend l’extension de la téléexpertise et de la télésurveillance dans son idée de cabinet 2030. En termes de chiffres, l’investissement à prévoir serait de 600 euros par patient pour l’industriel fournissant le dispositif, 200 euros par patient par an pour le médecin et 120 euros pour l’infirmier libéral.

Plus de coordination

Mais l’enjeu majeur de demain, pour la CSMF, c’est la coordination. Pour « éviter les redondances et gagner en efficience », les médecins généralistes et spécialistes doivent mieux se coordonner. Le médecin traitant serait « chef d’orchestre » de la coopération. Le syndicat propose « une conférence de consensus entre les différentes professions de santé représentées par leurs syndicats représentatifs ». Dans un délai de six mois, celle-ci devrait « proposer des évolutions des contours des métiers ».

Le Dr Ortiz défend au même titre une coordination « dans les territoires ». Si les maisons de santé pluriprofessionnelles « ne rassemblent que 15 % des médecins généralistes et quasiment aucun médecin spécialistes », la CSMF soutient toutes les initiatives, comme les ESP CLAP dans les Pays de la Loire. Sur les assistants médicaux, le néphrologue parle d’un demi-échec avec 2 600 contrats sur 4 000 ciblés. « Système trop complexe pour le médecin »… il en faudrait un par praticien et un infirmier en pratique avancée (IPA) par cabinet de médecins groupés.

Quatre niveaux de consultations

Ultime point : l’expertise médicale. Le Dr Ortiz ne « peut pas imaginer de déléguer des actes aujourd’hui réalisés par le médecin vers d’autres professionnels de santé, sans s’interroger sur la conséquence que cela a sur l’activité du médecin » et par extension sa rémunération. Alors, il propose quatre nouveaux niveaux tarifaires de consultations. Le niveau 1 pour le « suivi habituel d’un patient connu », à 30 euros. Le niveau 2, « un avis ponctuel pour un médecin consultant » ou « une première prise en charge pour un patient qui change de médecin traitant avec constitution du volet de synthèse médicale » à 60 euros. Le niveau 3 pour « une consultation spécifique complexe » ou « la visite longue à domicile », à 75 euros. Enfin, un niveau 4, à 100 euros, pour les consultations très complexes comme celles d’annonces en cancérologie, etc. Et ces niveaux seraient accessibles à tous les médecins, y compris les généralistes.

Il faudrait investir 1,7 milliard pour que cette réforme voie le jour, estime la CSMF qui la proposera à la Cnam. Et globalement, indique le Dr Ortiz, il faudrait 3 milliards d’euros pour la médecine de ville. « Un investissement majeur » mais à relativiser par rapport aux 23 milliards pour l’hôpital… investissement jugé « sans grand résultat » par le néphrologue. S’il trouve « considérable et légitime » les apports financiers du Ségur de la Santé « ça n’a rien résolu et les responsables politiques devraient s’interroger », lâche-t-il, amer.

Il s’agit de la dernière conférence de presse du Dr Jean-Paul Ortiz – ému à la fin des questions-réponses avec les journalistes – en tant que président de la CSMF, après huit années d’engagement. Une assemblée générale statutaire aura lieu les 12 et 13 mars prochains pour décider de sa succession.


Source : lequotidiendumedecin.fr