« Le décès d’une femme, en lien avec sa grossesse, est en général le témoignage de plusieurs dysfonctionnements cumulés. Il doit toujours être considéré comme un signal d’alerte pour sensibiliser les équipes et faire progresser les pratiques », indique la Dr Catherine Deneux-Tharaux, directrice de recherche à l’Inserm. L'expression de « mortalité maternelle » englobe les décès qui surviennent durant les neuf mois de la grossesse et, selon les critères internationaux, dans les 42 jours qui suivent l’accouchement. En France, on va plus loin et on retient les décès qui surviennent dans l’année qui suit. La deuxième condition est qu’il y ait un lien entre le décès et la grossesse ou l’accouchement. « Ce lien peut être direct, comme en cas d'hémorragie de la délivrance. Mais il peut aussi être indirect si, par exemple, la femme décède d’une pathologie associée qui a pu décompenser à l’occasion de la grossesse », précise la spécialiste.
Pendant assez longtemps, la France a été montrée du doigt pour ses résultats peu flatteurs sur la mortalité maternelle. « Depuis une quinzaine d’années, de gros progrès ont eu lieu et aujourd’hui, notre pays se situe dans la moyenne européenne, avec des chiffres stables dans le temps. Aujourd’hui, on recense en moyenne 1 décès pour 10 000, ce qui correspond à une centaine de cas par an. Mais on estime que la moitié d'entre eux seraient évitables », indique la Dr Deneux-Tharaux.
Aujourd’hui, la première cause des décès maternels reste les hémorragies de la délivrance. « Pourtant il y a de grandes avancées dans ce domaine puisqu’en 10 ans, ces décès par hémorragies ont été réduits de moitié en France. Cela a été obtenu grâce au travail de sensibilisation dans les équipes obstétricales et les réseaux de périnatalité. Elles ont évalué leurs pratiques, établi de nouveaux protocoles de prise en charge en tenant compte des recommandations des pratiques cliniques qui ont été publiées puis révisées. La Haute autorité de santé (HAS) a aussi publié un indicateur de la qualité des soins relatifs à l’hémorragie », détaille la Dr Deneux-Tharaux.
Une augmentation des pathologies indirectes
Ce travail a donc payé mais, dans le même temps, d’autres causes de décès maternels ont progressé, notamment celles liées à des pathologies indirectes. « Les femmes enceintes sont plus âgées, avec une prévalence plus importante de l’obésité. Dans certains cas, les femmes porteuses de pathologies associées extra-obstétricales ne sont pas suffisamment bien repérées en amont et donc pas toujours bien surveillées durant la grossesse. L’équipe obstétricale découvre alors avec retard une pathologie associée et ne mesure pas toujours la gravité du risque qu'elle peut faire courir. Quand elle voit arriver une femme essoufflée avec une dyspnée, elle va la mettre sur le compte de la grossesse alors qu'il s’agit peut-être d’une cardiopathie. »
Ces issues dramatiques, dans une large mesure, sont aussi liées à un contexte socio-économique particulier. « On recense trois fois plus de décès chez les femmes migrantes que chez celles nées en France. Le problème est particulièrement aigu chez les femmes issues d’Afrique subsaharienne. Par ailleurs, de manière récurrente, on constate que la mortalité est 4 à 5 fois plus importante dans les territoires d’outre-mer qu’en métropole. Cela s’explique par des raisons socio-économiques mais aussi par les conditions de prise en charge dans ces territoires, qui connaissent un turn-over médical élevé », déplore la Dr Deneux-Tharaux.
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