À l’heure où des débats ont lieu sur l’avenir de l’Assurance maladie et notamment la répartition entre assurance maladie obligatoire (AMO) et assurance maladie complémentaire (AMC), une nouvelle étude de la Drees (direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques) vient montrer le poids de l’assurance maladie publique dans la réduction des inégalités de revenus.
En effet, le modèle Ines-Omar, développé par la Drees, permet d’étudier le poids des cotisations et remboursements au regard du revenu des ménages. Une nouvelle version du modèle a été publiée. Elle porte sur l’année 2017, ce qui permet « de dresser un bilan redistributif après la généralisation de la complémentaire santé d’entreprise en 2016, mais avant l’introduction progressive de la réforme dite du « 100 % santé » », explique l’étude.
Des remboursements plus élevés pour les plus modestes
Premier enseignement, les remboursements de soins pris en charge par l’AMO sont plus élevés pour les milieux modestes. Alors qu’ils sont en moyenne de plus de 5 000 euros par ménage et par an, ces prestations montent à 6 000 euros en moyenne dans les milieux modestes (au sein des 2e, 3e et 4e dixièmes de niveau de vie), contre 4 400 euros au sein du 10e dixième.
Ceci s’explique d’abord par un état de santé plus dégradé dans ces populations. « Parmi les personnes du 2e au 3e dixième de niveau de vie, un cinquième a plus de 65 ans (contre 18 % dans l’ensemble de la population), plus de 18 % se déclarent en affection de longue durée (ALD) (contre 16 % dans l’ensemble de la population) et plus de 9 % se déclarent en mauvaise ou en très mauvaise santé (contre 7 % dans l’ensemble de la population) », détaille ainsi l’étude. Les effets qui expliquent les écarts de remboursement selon les niveaux de vie sont essentiellement : les différences d’âge, de statut ALD et l’état de santé général, résument les auteurs.
Si les Français avec les revenus les plus modestes (dans le 1er dixième de niveau de vie) ont un niveau de remboursement plus faible (4 400 euros en moyenne) c’est essentiellement car ils sont plus jeunes que le reste de la population, mais également parce qu’« à caractéristiques individuelles et état de santé comparables, le risque de renoncer à des soins est 1,6 fois plus élevé pour les personnes en situation de pauvreté monétaire et 3,2 fois plus élevé pour celles qui sont pauvres en conditions de vie* ».
Par ailleurs, l’étude montre que les dépenses prises en charge pour les soins hospitaliers varient davantage selon le niveau de vie que celles des soins ambulatoires.
40 % du revenu disponible des plus modestes
L’étude de la Drees permet aussi de constater que le système d’assurance maladie public permet de réduire les inégalités de revenu. L’ensemble des transferts publics qui y sont liés (impôts, taxes, prestations, santé, aide au logement, etc.) contribue à hauteur de 20 % à la réduction des inégalités, expliquent les auteurs.
« Cet effet redistributif de l’assurance maladie publique repose à 83 % sur les prestations, en raison de leur universalité et de leur importance dans le revenu des ménages. Elles représentent ainsi l’équivalent de près de 40 % du revenu disponible des 20 % les plus modestes », précisent-ils.
Le mode de financement progressif du système participe aussi à la réduction de ces inégalités de revenus. Ainsi, les montants des cotisations des 10 % les plus aisés sont plus de 14 fois supérieurs à ceux des 10 % les plus modestes. « Soit un ratio du même ordre de grandeur que les écarts de revenus initiaux », souligne la Drees.
Des restes à charge plus élevés chez les plus aisés
Au-delà de la partie prise en charge par l’assurance maladie, l’étude de la Drees montre que le reste à charge des ménages les plus aisés est plus élevé. Mais si on enlève l’effet de l’intervention de la CMU-C pour les deux premiers dixièmes de niveau de vie, en réalité « les restes à charge opposables augmentent peu suivant les catégories de revenu », précise la Drees. En revanche, là où une vraie différence est constatée, c’est sur la consommation des soins avec liberté tarifaire. Elle augmente fortement selon le niveau de vie avec 420 euros par ménage et par an de liberté tarifaire pour les ménages modestes, contre 650 euros pour les plus aisés.
L’étude met également en avant le fait que les cotisations payées par les ménages pour leurs contrats de complémentaire santé augmentent fortement avec le niveau de vie. Ceci s’explique par des garanties souscrites plus élevées mais aussi par le fait que les tarifications sont différenciées selon le revenu, notamment dans les contrats d’entreprise.
Par ailleurs, même s’ils sont mieux couverts pour les soins à liberté tarifaire, ce reste à charge moindre ne permet pas de compenser la hausse des cotisations.
Un taux d'effort qui grandit avec l'âge
Selon la Drees, le taux d’effort (diverses taxes cotisations à payer + sommes restantes après intervention des complémentaires) est plus élevé pour les ménages modestes et diminue en même temps que le niveau de vie augmente. Ce taux d’effort AMC augmente aussi fortement au cours de la vie.
« L’assurance maladie complémentaire affiche ainsi un faible niveau de solidarité intergénérationnelle. Sont concernés en premier lieu les retraités, notamment parce qu’ils ne peuvent pas bénéficier de contrats d’entreprise », souligne ainsi l’étude.
Le passage à la retraite se traduit par une « hausse drastique » du poids de la santé dans le budget. Le taux d’effort passe de 2,7 % entre 30-39 ans à 8,2 % après 80 ans.
Et s’ils ont en plus un faible niveau de vie, c’est la double peine.
« Parmi les ménages comptant au moins une personne retraitée et faisant partie des 20 % des ménages les plus modestes, le taux d’effort atteint 9,9 %, contre 3,9 % pour la même catégorie de ménages faisant partie des 20 % les plus aisés. »
*La pauvreté monétaire se définit par un niveau de vie inférieur à 60 % du niveau de vie médian. La pauvreté en conditions de vie se mesure à partir d’une trentaine de questions concernant l’insuffisance des ressources, des privations matérielles quotidiennes et des difficultés de logement.
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