Législatives 2024 : des programmes santé encore flous

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Publié le 27/06/2024
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À deux jours du premier tour des législatives, « Le Quotidien » s’est penché sur les mesures santé défendues par les trois blocs principaux.

Crédit photo : GARO/PHANIE

Les programmes santé du Rassemblement national, du Nouveau Front populaire et de la majorité présidentielle se sont affinés, sans que toutes les zones d’ombre soient levées. Décryptage.

L’AME dans la ligne de mire du Rassemblement national

Après avoir gagné les élections européennes, le Rassemblement national (RN) a largement recyclé le programme santé 2022 de Marine Le Pen, alors candidate à l’Élysée. Dans le secteur médical, la principale nouvelle mesure avancée par l’aspirant Premier ministre, Jordan Bardella, qualifiée « d’urgence », est l’exonération d’impôt sur le revenu pour tous les médecins en cumul emploi-retraite. Pour le reste, peu fournie, la profession de foi du RN parle de « réduire les déserts médicaux, soutenir l'hôpital public et sécuriser l'approvisionnement des médicaments ». Des axes qui font consensus…

Le projet est alimenté par la plateforme thématique 2022. L’un de ses marqueurs principaux est la suppression de l’aide médicale d’État (AME), qui permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier de la prise en charge gratuite d’un panier de soins défini. Marine Le Pen avait affiché dans nos colonnes, il y a deux ans, sa volonté de remplacer l’AME par « une aide d’urgence ou en cas de risque d’épidémies », tout en la conservant « pour les mineurs ». En médecine de ville, le RN proposait de « moduler » la rémunération de la consultation selon le lieu d’installation. À l’hôpital, il était question d’augmenter les salaires et d’y « limiter la bureaucratie » en plafonnant à 10 % la part des postes administratifs. La fin de la tarification à l’activité (T2A) était au programme avec la volonté de revenir « à une forme de budget global ». Côté gouvernance, Marine Le Pen avait affirmé vouloir supprimer les agences régionales de santé (ARS) pour confier la tutelle des hôpitaux aux préfets de région. Au total, elle avait expliqué vouloir injecter 20 milliards durant tout le quinquennat – 10 en revalorisations salariales et embauches et 10 en investissements –, qu’elle financerait notamment grâce à… 15 milliards de recettes liées à la fraude. Mais rien ne dit que cet engagement annuel sera repris en cas de victoire aux législatives.

Le Nouveau Front populaire prêt à réguler l’installation

L’union des gauches, sous la bannière du Nouveau Front populaire, consacre un chapitre entier à la santé. Dès ses premiers jours au pouvoir, cette coalition entend organiser « une conférence de sauvetage de l’hôpital public » pour réévaluer les grilles salariales et les gardes, sans préciser à quelle hauteur.

Surtout, elle promet « une grande loi santé », dans les cent premiers jours. Parmi les mesures, deux d’entre elles, clivantes, concernent les libéraux : la « régulation à l’installation » dans les déserts médicaux (faut-il comprendre l’obligation de s’y installer pour les nouveaux diplômés ?) et le rétablissement des permanences de soins des libéraux dans les centres de santé. Une autre proposition concerne les établissements privés : l’ouverture des cliniques serait « conditionnée » à leur participation à la permanence des soins et à « la garantie d’un reste à charge zéro ». Ce qui supposerait la fin des dépassements d’honoraires des spécialistes y exerçant ou, du moins, la solvabilisation de ces compléments par l’Assurance-maladie et les complémentaires. Toujours à la faveur de cette loi santé, l’union de la gauche entend engager un « plan pluriannuel de recrutement des professionnels du soin et du médico-social » et de revalorisation des métiers et des salaires. Un « plan grand âge », fondé sur la rénovation des Ehpad – en augmentant et en formant mieux les professionnels du secteur de l’autonomie – compte aussi parmi les idées avancées. Enfin, la création d’un « pôle public du médicament », avec un renforcement des obligations de stocks, est citée.

Côté santé publique, le Nouveau Front populaire promet de prendre en charge les protections menstruelles et de mettre en place un congé menstruel. Au menu, le développement des maisons de sport santé et le remboursement dans le droit commun du sport sur ordonnance. L’instauration d’un taux maximal de sucre dans les aliments transformés et l’interdiction des polluants éternels (PFAS) font partie des objectifs.

Mutuelle à 1 euro par jour pour la majorité présidentielle

Le programme de la majorité présidentielle s’inscrit dans la continuité de l’action du gouvernement, quitte à défendre le bilan de la politique de santé d’Emmanuel Macron ou à recycler des mesures précédemment annoncées : doublement des médecins en formation pour atteindre les 16 000 en 2027 ; service d’accès aux soins (SAS) généralisé à tous les départements cet été pour garantir un médecin de garde à moins de 30 minutes du domicile de chaque Français ; délégations de tâches – avec une nouvelle étape permettant aux paramédicaux de « réaliser une vingtaine d’actes médicaux du quotidien ». La majorité entend élargir le système de gardes en ambulatoire à d’autres professions de santé – à l’instar des infirmiers, sages-femmes et dentistes.

Le programme compte s’appuyer sur la prochaine loi Sécu pour concrétiser le remboursement des fauteuils roulants pour les personnes en situation de handicap. Ce véhicule budgétaire serait aussi utilisé pour la nouvelle mutuelle publique à « 1 euro par jour », présentée par l’exécutif comme un « élargissement » de la complémentaire santé solidaire (C2S) puisqu’elle viserait surtout des retraités, indépendants et demandeurs d’emploi (aujourd’hui privés de complémentaire). Au bénéfice des soignants, une nouvelle vague de leasing social de véhicules électriques est envisagée. La prévention – sujet en chantier pour lequel le chef de l’État promettait une révolution – n’est pas oubliée, en lien surtout avec la santé des femmes. Des consultations sur l’endométriose, la ménopause et l’infertilité sont avancées.

Enfin, d’autres dispositions ont vocation à rassurer le secteur. Il est promis de remettre à l’ordre du jour le projet de loi sur la fin de vie dès juillet, de réaliser des investissements massifs pour les nouvelles technologies en santé et de renforcer la lutte contre la fraude (avec un projet de loi). Enfin, des « factures informatives », y compris en médecine de ville, permettraient aux patients de mieux prendre conscience des coûts de santé.


Source : Le Quotidien du Médecin