La lutte contre les inégalités sociales de santé (ISS) fait partie des priorités mises en avant pendant ce quinquennat. Dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, cinq dispositions sont situées dans le champ de la santé. Le Ségur de la santé comprend lui aussi un objectif de lutte contre les ISS. Dans une revue de littérature internationale parue ce mois-ci, l’Irdes (institut de recherche et documentation en économie de la santé) étudie les effets sur la pauvreté qui peuvent être attendus de huit mesures. « C’est-à-dire évaluer les résultats de politiques de santé hors du champ de la santé elle-même », souligne les auteurs.
« Si les disparités d’état de santé trouvent en partie leur source dans le champ du social, la santé elle-même est un déterminant des trajectoires individuelles et souvent considérée comme une dimension de la pauvreté. Cette revue de littérature propose une perspective originale en ce qu’elle considère les effets de politiques de santé au-delà de la santé elle-même. »
Huit mesures passées au crible
Les travaux de l’Irdes portent donc sur les mesures qui concernent : l’accès pour tous à une complémentaire santé, le renouvellement automatique de la CMU-C pour les bénéficiaires du RSA, la création de centres de santé communautaires ou participatifs dans les quartiers prioritaires de la ville, le renforcement du personnel pour les Pass (permanences d’accès aux soins de santé), le 100 % santé, ou les places supplémentaires pour les Lits halte soins santé (LHSS), lits d’accueil médicalisé (Lam) ou appartements de coordination thérapeutique (ACT).
« Les objectifs annoncés de ces mesures relatives à la santé sont la baisse de l’insécurité financière en relation avec la prise en charge financière des soins et la réduction des inégalités d’accès aux soins et d’état de santé », explicite l’Irdes.
À travers trois schémas (voir ci-dessous), les auteurs décrivent les chaînes de causalité qui doivent permettre à ces mesures d’atteindre l’objectif souhaité.
L’étude s’est d’abord penchée sur les mesures relatives à l’assurance. Concernant l’extension de la CMU-C, l’examen des expériences françaises et internationales montre que les effets attendus peuvent être notamment un impact significatif sur la consommation de soins ambulatoires, les soins dentaires particulièrement mais aussi de généralistes et d’autres spécialistes et sur le volume des dépenses de soins. La réduction des restes à charge, des dépenses de santé ou de la pression financière liées aux soins de santé ont aussi été observés aux États-Unis.
Pour les mesures du 100 % santé sur le dentaire et l’optique, les comparaisons avec les États-Unis et la Corée du Sud, ont montré une baisse des renoncements aux soins et une réduction des disparités sociales sur ce type de soins.
Toutefois, si sur toutes ces mesures des effets bénéfiques similaires peuvent être attendus, ils pourraient aussi être moindres en France dans la mesure où les systèmes d’assurance entre la France et les États-Unis notamment présentent « de profondes différences », notent les auteurs.
Effets bénéfiques des centres de santé participatifs
L’étude s’est aussi intéressée à la création des centres de santé participatifs ou communautaires.
« L’hypothèse sous-jacente est qu’une meilleure accessibilité et disponibilité de l’offre et qu’un renforcement de l’interaction médicale et avec le système de santé pourraient contribuer à rapprocher du système de soins une partie de la population initialement isolée et éloignée à la fois géographiquement et culturellement », expliquent les auteurs.
Les expériences canadiennes et américaines ont permis de voir une réduction des inégalités de santé au niveau local, une diminution des hospitalisations évitables, une fréquence plus importante de visites chez le médecin avec des effets bénéfiques sur la prévention notamment et également une meilleure satisfaction des patients vis-à-vis de la qualité des soins.
« Cependant, de même que pour les mesures relatives à l’assurance, les différences structurelles entre les systèmes de santé nous poussent à nuancer les effets attendus de la création de centres de santé communautaires en France, qui devraient, là encore, être observés à un degré moindre », conclut l’Irdes.
Les Pass font l’objet de très peu d’études. Et celles existantes montrent qu'elles « ne sauraient à elles seules permettre un accès de tous les étrangers sans titre de séjour à l’aide médicale d’État ».
Enfin concernant les mesures sur le renforcement de dispositifs existants d’accompagnement médico-social des personnes en situation de grande pauvreté : les LHSS, Lam et ACT, les chercheurs de l'Irdes émettent des réserves. Même si « les programmes offrant une prise en charge à long terme des patients semblent être en mesure d’améliorer durablement la situation sanitaire et socio-économique des patients, le constat est nettement plus mesuré pour les programmes courts, ne permettant pas de proposer aux usagers un projet de réinsertion pérenne », soulignent les auteurs.
Le recours aux soins des personnes sans domicile avec des problèmes de santé importants pourrait s’améliorer, mais « les effets de ces mesures sur la pauvreté semblent plus indirects ». « En revanche, l’accès aux minima sociaux, qui constitue l’un des objectifs majeurs de ces dispositifs, devrait permettre d’améliorer la situation financière d’une partie des bénéficiaires. »
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