Convention médicale

Les syndicats « sidérés » doivent maintenant s'en remettre à leur base… tandis que Fatôme tente encore de convaincre

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Publié le 24/02/2023
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Après une séance de négociations multilatérales mercredi 22 février, les partenaires conventionnels se sont de nouveau réunis, jeudi 23 février, pour une ultime séance. Malgré quelques «  modifications à la marge », les syndicats sont loin d'avoir obtenu ce qu'ils espéraient. Ils doivent maintenant consulter leur base mais la signature de la convention médicale semble aujourd'hui compromise.

Crédit photo : R. MEIGNEUX/ PHANIE

L'ultime séance de négociations conventionnelle, en vue de la signature d'une nouvelle convention médicale entre la Cnam et les syndicats de médecins représentatifs, s'est achevée jeudi 23 février au soir, plus vite que prévu, aux alentours de 19 h 30, d'après les syndicats.

Ces derniers s'attendaient à rester débattre jusqu'à tard dans la soirée voire même la nuit, comme lors des précédentes conventions médicales mais, selon leurs dires, le directeur de l'Assurance maladie, Thomas Fatôme, en a décidé autrement.

« Nous avons essayé d'arrondir les angles, de voir comment on pouvait s'entendre mais après quatre heures de discussion, il a écourté la réunion. Il nous a dit qu'on en resterait là et qu'on allait recevoir la copie finale demain (ce vendredi 24, ndlr) et que nous devions revenir vers lui pour lui faire part de notre volonté de signer ou pas avant le mardi 28 février », raconte le Dr Corinne Le Sauder, la présidente de la FMF, qui décrit une ambiance « électrique et tendue ».

Des modifications « à la marge »

Le Dr Luc Duquesnel, président de la CSMF, se dit, lui aussi, « sidéré » par la tournure de ces négociations. Comme pour les représentants des autres organisations syndicales, il estime que cette dernière séance de négos n'en était pas une.

« Il y a eu quelques modifications à la marge qui ont été apportées par rapport à la version de la veille mais pas de nouveautés ni de réponses à tous les freins que présente cette convention médicale », regrette le généraliste de Mayenne. « On reste sur la même philosophie », abonde le Dr Corinne le Sauder. « Soyons clairs, et sans état d’âme, ces négociations n’en sont pas », dénonce à son tour le Dr Jérôme Marty, qui préside l'UFML-S.

Consultée, la dernière version présentée par l'Assurance maladie intègre certaines améliorations pour les généralistes comme la création d'une majoration de 5 euros sur les visites (régulées ou non) effectuées le samedi après-midi, le dimanche ou en nuit profonde et non profonde. Figure également dans la dernière copie, la majoration de 10 euros « en cas de visite à domicile avec un délai court (24 heures) après appel de la régulation ».

« En complément de l’aide unique de 10 000 € en ZIP pour les primo-installés, une aide de 5 000 € en ZAC, y compris pour les médecins diplômés étrangers (ZIP et ZAC) » a également été amenée par la Cnam. Une majoration « jeunes primo-installés » lorsque l’installation a lieu dans les quatre ans post-DES, a aussi été ajoutée.

Plus de « contrat » mais un « simple » engagement territorial

Concernant le fameux « Contrat d'engagement territorial » (CET), la Cnam a proposé une dénomination un peu plus édulcorée et dépouillée du terme « contrat ». Mais pour le Dr Sophie Bauer, présidente du SML, « les contours repoussoirs du dispositif ont peu changé ».

« Tout est question de sémantique », écrit, dans un communiqué l'organisation syndicale qui note « un petit recul de la Cnam sur les exigences de file active » notamment. Dans l'item 1, les exigences de la Cnam pour remplir la case « évolution de la patientèle médecin traitant » passent en effet de +50 patients par an à +40. Pour la file active de patients, cela passe à +50 patients par an, contre +60 patients auparavant.

Pour l'item 3, les généralistes qui souhaitent cocher la case « ouverture le samedi matin » devront soit justifier de l'ouverture de 24 samedis par an ou, et c'est une nouveauté, de l'« ouverture du cabinet pendant 50 semaines ». Pour la case « participation à l'effection des soins non programmés issus du SAS ou du 15 », cinq SNP par mois sont demandés.

La Cnam a par ailleurs avancé d'un trimestre la mise en vigueur des tarifs liés à cet engagement, ainsi les médecins pourraient accéder à ces tarifs majorés à compter d'octobre 2024 contre janvier 2025. Mais pour les syndicats, il sera déjà trop tard. « L'amélioration de l'accès aux soins est une urgence », insiste le Dr Corinne Le Sauder. « On ne va pas dire aux patients "et bien revenez donc en octobre 2024 !" », ironise très amèrement le Dr Luc Duquesnel.

La perspective d'un accord s'éloigne

Le Dr Agnès Gianotti, présidente de MG France, estime, au lendemain de cette dernière séance de négo, et face aux propositions avancées par la Cnam, qu'une personne qui « souhaiterait casser le système de soins ne s'y prendrait pas mieux ! ».

« Au début des négociations, j'ai rappelé l'importance de considérer la médecine générale comme une spécialité comme une autre. À même acte, il faut le même tarif. À la fin de ces négociations, la Cnam nous affiche des tarifs avec un différentiel de 5 euros que ce soit dans le cadre de l'engagement territorial ou non ! », s'indigne la généraliste.

« Il faudrait savoir. Soit on nous considère de la même façon que les autres spécialités (c'est d'ailleurs ce qu'affiche le gouvernement avec son projet d'ajout d'une 4e année au DES de médecine générale, ndlr) et on arrête de nous stigmatiser, soit on décide qu'il faut se passer des médecins de famille pour soigner la population et qu'il revient aux cardiologues et aux gastro-entérologues de le faire ! Notre profession n'est déjà pas attractive et cette convention ne fait que creuser ce différentiel. Cela risque tout simplement de dégoûter les gens de choisir la médecine générale et d'inciter les plus âgés à partir », prévient la présidente de MG France.

Les syndicats craignent-ils le règlement arbitral ?

Voyant la perspective d'un règlement arbitral s'appliquer en cas de non accord, les syndicats sont lucides. « Effectivement, cela serait sûrement défavorable, mais que voulez-vous que je vous dise ? Il est très probable que la profession préfère ne rien avoir plutôt que d'avoir un texte qui ne leur convient pas », estime le Dr Agnès Gianotti.

« Est-ce possible de faire plus défavorable que cette convention ? », s'interroge à son tour le Dr Corinne Le Sauder.

Le Dr Luc Duquesnel admet, quant à lui, qu’un « règlement arbitral serait forcément une contrainte ». « Peut-on faire pire que le texte de l’Assurance maladie ? S’interroge-t-il réthoriquement. Oui, on peut toujours faire pire, estime le médecin de famille. Mais, dans tout ça, c’est le gouvernement qui va devoir rendre des comptes à la population lorsque la dégradation de l’accès aux soins va s’accélérer ! »

Ce week-end, MG France et le SML consulteront leur base afin de statuer sur la signature (ou non) de la convention. La CSMF et la FMF doivent quant à elles attendre leur assemblée générale pour soumettre le vote. Mais étant donné que la date butoir pour la signature de la convention a été fixée au mardi 28 février, il s'agira seulement d'un vote de principe. De son côté, l'UFML-S a déjà pris sa décision. « Nous ne pouvons signer ce texte dangereux pour les médecins et donc dangereux pour les patients », écrit le Dr Jérôme Marty dans un communiqué.

À ce stade, la signature d'une nouvelle convention médicale semble de plus en plus incertaine. « La balle est dans leur camp, a estimé Thomas Fatôme devant la presse, ce vendredi après-midi. Mais c’est un vrai choc d’attractivité pour la médecine libérale et un signal fort qui doit permettre de répondre aux attentes des deux côtés de la table ».

« Ne passons pas sous silence que dès le 1er octobre 2023, il y aura une revalorisation pour 100 % des médecins qui correspond à 8,5 % d’augmentation. L’ensemble des actifs de ce pays n’ont pas une revalorisation de 8 % », a encore fait valoir le directeur général de la Cnam.

« S’il n’y a pas signature nous pensons que ce sera une occasion manquée pour les patients et pour les médecins », a-t-il fini par avertir. 


Source : lequotidiendumedecin.fr