Améliorer la qualité et l’accessibilité des soins palliatifs en France en leur substituant le concept de soins d’accompagnement : tel est l’enjeu de la stratégie décennale 2024-2034 dévoilée en amont de la présentation du projet de loi fin de vie en Conseil des ministres, ce 10 avril. Si ce dernier comporte quelques dispositions sur les soins palliatifs et l’accompagnement des proches, il ouvre surtout la possibilité d’une aide à mourir et ne manquera pas de susciter des débats. La stratégie décennale sur les soins d’accompagnement, préparée à partir du rapport du Pr Franck Chauvin, se veut plus consensuelle. Une tentative d’atténuer les oppositions : « avant l’ouverture de l’accès à l’aide à mourir, on aura déjà augmenté l’offre de soins palliatifs, car notre stratégie est, dans les dix ans, de donner une impulsion forte, et ce, dès les trois prochaines années », a déclaré la Première ministre Catherine Vautrin dans un entretien au Monde ce 6 avril.
Le constat est connu et partagé : la France se situe à la 15e place des pays de l’OCDE en matière d’offre de soins spécialisés en soins palliatifs. Les prises en charge se concentrent sur les toutes fins de vie ; le soulagement de la douleur et la dimension globale de l’accompagnement font défaut. Une personne sur deux qui nécessite ces soins n’y a pas accès, soit 190 000 personnes. Et moins d’un tiers des enfants qui en ont besoin bénéficient d’une prise en charge spécialisée. Les besoins sont pourtant grandissants : d’ici à 2034, 250 000 personnes (+ 16 %) devront être accompagnées chaque année, calcule le ministère de la Santé.
1,1 milliard d’euros de mesures nouvelles sur 10 ans
Alors que chaque année, 1,6 milliard est dépensé pour les soins palliatifs, le gouvernement promet de débloquer 100 millions de mesures nouvelles annuelles, soit à l’issue de la stratégie nationale, 1,1 milliard supplémentaire. En 2034, le montant annuel des dépenses publiques pour ces soins s’élèvera à 2,7 milliards d’euros.
L’une des priorités est de renforcer l’accès aux prises en charge spécialisées sur le territoire. Une vingtaine de départements sont dépourvus d’unité de soins palliatifs (USP) : en 2024, au moins 11* départements devraient ouvrir une USP (selon les critères prévus dans l’instruction de juillet dernier) ; les neuf derniers (dont la Creuse, le Jura) le feront au plus tard en 2025. Le nombre de lits dans les USP devrait ainsi passer de 1 540 aujourd’hui à 1 760 (+ 220).
Une centaine d’équipes mobiles devrait être créée d’ici à 2034, dont 15 dès cette année. Les structures de prise en charge de la douleur chronique (les plateformes interventionnelles notamment) et d’hospitalisation à domicile devraient être renforcées. Et 6 000 équivalents temps plein (notamment de psychologues) devraient consolider sur 10 ans l’accueil dans les Ehpad.
Pour les enfants, la stratégie doit permettre la mise en place de 28 équipes régionales pédiatriques (contre 23 aujourd’hui) et de 17 USP pédiatriques d’ici à 2030 (dont trois ouvertes dès 2024).
La stratégie doit aussi donner naissance à des maisons d’accompagnement, structures hybrides entre le secteur sanitaire et le médico-social pour héberger des patients stables mais nécessitant des soins trop lourds pour le domicile, ainsi que pour offrir un lieu de répit pour les aidants. S’il faut attendre le vote du projet de loi fin de vie pour les créer officiellement par décret (elles représentent une nouvelle catégorie d’établissement), une dizaine sera expérimentée d’ici à la fin 2025, dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêt, avec un financement assuré par la Sécurité sociale. Une fois le décret publié, le ministère de la Santé ambitionne l’ouverture d’une dizaine chaque année, pour atteindre la centaine en 2034.
Vers un DES de médecine palliative et de soins d’accompagnement
La stratégie doit être l’occasion de créer une filière de médecine palliative et des soins d’accompagnement : en 10 ans, 300 postes de chefs de clinique, de professeurs d’université et d’assistants spécialistes devraient s’ouvrir. Dès 2024, seront recrutés chaque année 10 chefs de clinique et 10 assistants spécialistes, et à partir de 2025, 10 universitaires titulaires. Une réflexion est d’ores et déjà engagée en vue de la création d’un diplôme d’études spécialisées (DES). « Les deux années à venir seront difficiles, mais dès 2026, nous ferons tout pour que les internes s’orientent vers la médecine palliative », assure-t-on au ministère.
Par ailleurs, la stratégie veut promouvoir les droits des patients en développant les plans personnalisés d’accompagnement pour que les malades puissent exprimer au plus tôt leurs préférences pour leur prise en charge globale (y compris psychologique et médico-sociale) et élaborer leurs directives anticipées.
Le nombre de bénévoles, 6 000 aujourd’hui, devrait doubler en une décennie pour accompagner les fins de vie solitaires. Les aidants se verront proposer une consultation dédiée dès l’annonce du diagnostic de maladie grave de leur proche, et d’ici à cinq ans, l’allocation journalière d’accompagnement devrait permettre un accès simplifié aux congés. D’ici à 2026, 400 (contre 300 aujourd’hui) plateformes d’accompagnement et de ressources seront à leur écoute.
Les financements promis « sont une avancée importante. Mais on sera très vigilants sur l'inscription concrète des crédits dans le PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale, NDLR), car la version 2024 ne contenait pas une ligne sur les soins palliatifs », a réagi la Dr Claire Fourcade, présidente de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (Sfap). « 2034 c'est loin, et on souhaiterait une inscription pluriannuelle », a-t-elle ajouté. Par ailleurs, la disponibilité des soignants « est une source d’inquiétude majeure : des lits ferment par endroits faute de personnel », regrette-t-elle.
*Dans le Cher, les Ardennes, les Vosges, l’Orne, le Lot, la Lozère, les Pyrénées-Orientales, la Mayenne et la Guyane, selon l’interview de Catherine Vautrin dans Le Monde.
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