Brève

Rachel Bocher, INPH : "Revalorisations des médecins hospitaliers, le blocage vient de Matignon"

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Publié le 25/06/2020
Les organisations syndicales de PH viennent de claquer la porte du Ségur et se disent toujours frustées de réelles propositions de revalorisations salariales (pilier 1). Elles craignent de la part de l'exécutif "une opération de com' à destination du grand public et refusent l'enfumage". Entretien avec Rachel Bocher, représentante de l'INPH.
Bocher

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Pourquoi avez-vous claqué la porte du Ségur lundi dernier ?

Une fois de plus nous ne disposions d'aucun chiffrage, aucun calendrier, mais simplement des mesures d'organisation interne dont nous avons déjà maintes fois entendu parler.

L'ambiance n'est pas meilleure que le monde d'avant ?

C'est bien pire que le monde d'avant. Car quand nous menions des négos, nous avions une enveloppe avec un Ondam. Là Nicole Notat n'a rien à nous proposer et en tant qu'ancienne syndicaliste elle doit avoir mal pour nous. Nous avons même l'impression qu'elle se demande ce qu'elle fait là.

Que reprochez-vous à l'organisation du Ségur ?

Je souhaiterais éviter que le Ségur ne soit que de la communication et de la mise en scène. Car en quatre semaines on ne sera pas en mesure de refaire tout le système de santé ni son financement. Le Ségur contient trois piliers : le financement, la simplification et territoires. Personne ne croit une seconde qu'on arrivera à tout régler. Toutefois, on peut lancer des pistes dans le cadre de chantiers à moyen terme. Les mesures immédiates devraient être financières. Et à moyen terme on s'attaquerait au  structurel. Or Nicole Notat (rapporteure du Ségur) a demandé qu'un protocole d'accord soit signé fin juin-début juillet. Nous sommes déjà le 25 juin et rien n'est formalisé au niveau des piliers 2, 3 ou 4. Il n'existe aucune négo ni aucune concertation, seulement une consultation. Le montant des enveloppes du pilier 1 (revalorisation des soignants et des médecins) signera la crédibilité du Ségur, sinon cela sera de l'enfumage.

Comment ont lieu les réunions du Ségur ?

La situation est la suivante : des animateurs recueillent les propositions de tous les invités du Ségur, en dressent une liste soumise ensuite au débat. Or les profils des acteurs de santé sont tellement divers que personne ne comprend comment cela peut donner lieu à un protocole d'accord.

Quelles sont vos revendications ?

Nous proposons une hausse significative d'au moins 30 % pour renforcer l'attractivité du service public (rattrapage partiel du décrochage des grilles des personnels) [Axe 1, mesure 1]*. Nous demandons aussi une hausse des gardes et astreintes (cf. le programme complet des revendications des organisations syndicales de PH). L'exécutif a ouvert toutes les portes de l'espoir. Et compte tenu des milliards distribués dans d'autres secteurs aujourd'hui, c'est le seuil minimal qu'on demande.

Y a-t-il une volonté cachée de l'exécutif de ne revaloriser que les personnels médicaux et pas les médecins ?

Les médecins représentent le plateau technique de l'hôpital. Si les médecins ne sont pas valorisés immédiatement, ils ne seront pas au rendez-vous en cas de nouvelle épidémie. En vingt ans, nous avons perdu 60 % de notre pouvoir d'achat. Pourquoi un tel turnover en début de carrière ? Les jeunes médecins n'ont pas envie d'attendre d'être en fin de carrière pour gagner ce que perçoivent ceux qui s'installent en libéral. 

Que se passerait-il en cas d'échec du Ségur de la Santé ?

Nous dirions alors clairement que les applaudissements de 20 heures n'ont apporté aucune mesure concrète. Notre problème, c'est que le gouvernement fait beaucoup de com' autour du Ségur et donne une bonne impression à l'opinion publique. En attendant, notre sentiment est que le blocage vient de Matignon : alors que le président de la République a affiché de très bonnes intentions, c'est sur la feuille de route normalement appliquée par le Premier ministre que ça coince.

* Concernant les propositions de revalorisation, les syndicats de médecins hospitaliers souhaitent passer à l'échelon 4 à 5 000 euros net, à l'échelon 6 à 7 500 euros net et à l'échelon 13 (fin de carrière) à 10 000 euros net.


Source : lequotidiendumedecin.fr